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La mort d'Yves Debay, reporter de guerre

Il a été tué jeudi par un sniper à Alep en Syrie.   

 
La mort d'Yves Debay, reporter de guerre
On apprend la mort d'Yves Debay, reporter de guerre et journaliste bien connu dans les milieux militaires. Selon des informations encore partielles, il aurait été tué jeudi à Alep (Syrie), non loin de l'hopital de la ville, par un tireur embusqué des forces loyalistes.
Yves Debay avait 58 ans et dirigeait le magazine Assault, qu'il avait créé en 2008, après de nombreuses années passées chez Raids.

La guerre était sa vie et il est mort à la guerre. C'est, n'en doutons pas, comme cela qu'il rêvait de finir... mais pas si vite. Yves Debay était un personnage haut en couleurs, adorable et complètement cinglé.
Né en 1954 au Congo belge, ce géant blond au visage poupin s'engage d'abord dans l'armée belge, mais la soif d'aventures le pousse à aller voir ailleurs, en rejoignant l'armée rhodésienne - l'armée du régime blanc qui combat la guerilla africaine d'inspiration marxiste. Cet engagement, à la fin des années 70, correspond à son amour de l'Afrique comme à ces idées politiques, proches de l'extrême-droite. Mais par dessus tout, il aime la guerre, les soldats, l'odeur de la poudre et le goût de la bière. Il ne changera jamais.
Au milieu des années 80, il se reconvertit dans le journalisme d'abord à la Gazette des Armes puis au magazine Raids pour lequel il couvre tous les conflits. Dès qu'un coup de feu éclate quelque part, il s'y précipite ! L'Afghanistan (des Soviétiques), la guerre du Golfe, les Balkans, le Caucase, le Liban, l'Irak et bien sûr toujours son Afrique bien aimée. Lorsque qu'il n'est pas "au front", il est de toutes les manoeuvres où il cotoie plus volontiers le caporal-chef que le général, avec une affection toute particulière pour la Légion. Sportif, il pratique le parachutisme, collectionnant les brevets du monde entier, et la plongée... mais aux Maldives !

Il était capable des choses les plus insensées, toujours dans un grand éclat de rire. Présenter un spectacle de marionnettes (Kermit le grenouille !) à des Moudjhadines afghans, prouver à un officier de Saddam Hussein (qui le détenait pour espionnage...) qu'il était français en imitant Louis de Funès dans Rabbi Jacob. Embrasser la terre de Grèce parce que son seul Dieu était Dyonisos. Pratiquer le baise-main dans un surplus militaire. Faire de très mauvaises blagues sur la Fraternité Totenkopf, sans qu'on parvienne à lui en vouloir tant sa gentillesse et sa générosité étaient évidentes.

Yves Debay avait connu son heure de gloire médiatique lors de l'entrée des chars américains dans Bagdad en 2003. Il y était, évidemment, et avait raconté le déboulé blindé aux médias du monde entier. Mais il s'en moquait. Sa reconnaissance, ce vieux célibataire la trouvait dans l'ambiance virile des popotes.

En 2008, il avait créé son propre magazine Assaut. S'il parvenait difficillement à joindre les deux bouts, cela lui permettait de partir couvrir les conflits - la seule chose qu'il aimait. Il s'est envolé pour la Syrie juste la veille du déclenchement des opérations françaises au Mali. Il y donc avait rendez vous nous pas avec Dyonisos, mais avec Arès, le Dieu de la Guerre. Que celui-ci prenne désormais soin de notre ami !

Rédigé par Jean-Dominique Merchet le Vendredi 18 Janvier 2013 à 08:59