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J'avais un camarade

P1040714C’est accompagné par le chant traditionnel “J’avais un camarade” que le journaliste Yves Debay, tué en reportage à Alep le 17 janvier, a été salué lundi, en l’église Notre-Dame de l’Immaculée conception à Boulogne, par une centaine de parents, amis, confrères, au cours d’une cérémonie grave mais informelle et sans protocole, exactement dans son style.
 
Sa mère au premier rang, entourée de quelques parents, cinq ou six généraux d’active ou de deuxième section (dont les généraux Dary, ancien chef de corps du 2e REP, Franceschi, ancien COMLE, Klotz, adjoint au DICOD, Baptiste, directeur du musée de l’armée), des officiers et sous-officiers de Légion en uniforme, de nombreux journalistes et blogueurs, des responsables de la communication des armées, c’étaient les mondes au carrefour duquel il se tenait, proche de tous et prisonnier d’aucun groupe.
 
28690_103785276336499_6160990_nTous ses copains et confrères étaient là, Jean-Do, Simon, Eric, Jean-Pierre, Guillaume, Paolo venu de Milan, Théo venu de Marseille, ses amis communicants d’industrie qui accompagnaient et soutenaient l’aventure d’Assaut, ses camarades parachutistes venus parfois de loin et qui ont porté son cercueil et le coussin avec tous ses brevets para des différents pays… Mais sur le linceul tricolore qui recouvrait le cercueil, plus que les brevets et les quelques décorations de sa première carrière, c’était le “bob” du photographe et un de ses appareils Nikon qui symbolisaient ses armes, celles du reporter.
 
Dans un hommage très naturel et spontané, Robert Fanucchi du Parisien, président de l’association des journalistes de défense (AJD) dont il était un pilier depuis très longtemps, a salué le “soldat de l’info” mort en première ligne, où était toujours sa place de "wild cat", parfois même entre les lignes de front. Et parlé aussi au nom de tous les confrères absents, parce que retenus au Mali ou sur d’autres opérations…
 
“Soldat de l’information” était aussi la mention de la couronne déposée par le ministère de la défense, aux côtés des fleurs du SIRPA Air, du ministère de la Culture – la ministre était là aussi –, de l’amicale du 4e Chasseurs à cheval, de ses amis de la revue Raids à laquelle il a participé pendant des années avant de lancer “Assaut”… Fleurs déposées aussi par des amis allemands, par des amis belges, par ses "voisins d’immeuble". Comme pour mieux illustrer qu’il était l’ami de tous.
 
L’évêque aux armées Luc Revel, dans une homélie également très personnelle sur le rapport du correspondant de guerre à la vie et à la mort, cette frontière ténue, a cité la mère d’Yves qui avait eu une belle formule quelques jours plus tôt: “Yves est mort en pleine vie”. Proche non pas de la guerre mais des combattants, des hommes et non pas des idées, témoin des souffrances et du concret, jamais exalté, toujours calme, accessible et souriant.
 
Bruno Fanucchi a raconté que pour ne pas faire peur à sa mère, il lui avait dit qu’il partait au Mali et non pas en Syrie. Un autre ami, qui avait déjeuné avec lui quelques jours avant son départ, me racontait qu’Yves hésitait car il ne voulait pas “rater” le Mali, mais qu’il avait fini par choisir la Syrie en disant : “je suis obligé, je leur ai promis, je ne peux pas leur faire faux bond”.
 
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Car il était d’abord un homme de fidélité : “Il a servi honnête et fidèle”, a résumé Fanucchi en citant le chant du 1er REC. Et par fidélité envers lui et pour rendre un vrai hommage à son caractère toujours enjoué, un groupe nombreux de ses amis, civils et militaires confondus, est allé boire une bière à sa santé dans son bistrot favori du bord de Seine, avec quelques chants de Légion. Ce n’était qu’un au revoir.
 

Somalie: un an de prison pour une victime présumée de viol et un journaliste

05 février 2013

MOGADISCIO — Une Somalienne qui affirme avoir été violée par des membres des forces de sécurité, et un journaliste auquel elle s'est confiée, ont été condamnés mardi à un an de prison pour "outrage aux institutions".
Le verdict prononcé par un tribunal de Mogadiscio conclut une procédure dénoncée par les Nations unies et plusieurs organisations de défense des droits de l'Homme comme une tentative d'étouffer la parole de la victime présumée.
"Nous la condamnons pour avoir outragé les institutions de l'Etat en affirmant avoir été violée", a déclaré lors d'une audience publique le juge Ahmed Adan à propos de cette déplacée somalienne.
"Elle passera un an en prison après avoir fini d'allaiter son bébé", a-t-il ajouté, ordonnant sa libération dans l'intervalle.
Le journaliste indépendant Abdiaziz Abdinuur a de son côté été déclaré coupable d'avoir "outragé les institutions de l'Etat en faisant une fausse interview et d'être entré dans la maison d'une femme dont l'époux était absent", selon le juge.
Incarcéré depuis début janvier, le journaliste, employé par plusieurs radios somaliennes et qui n'a jamais diffusé l'interview, a été immédiatement reconduit en prison.
Trois autres prévenus ont été relaxés et libérés.
Selon plusieurs ONG internationales de défense des droits de l'homme, ces trois personnes, dont l'époux de la présumée victime de viol, soupçonnés d'avoir mis celle-ci en relation avec le journaliste, étaient accusés de l'avoir aidée à se soustraire à une enquête et d'avoir tenté de tirer profit de ses affirmations.
Les cinq prévenus risquaient jusqu'à six ou neuf ans de prison.
La femme avait réaffirmé samedi, en comparaissant menottée devant la justice, avoir été violée par cinq hommes, dont plusieurs armés de fusils mitrailleurs.
Le procureur général Abdukadir Mohamed Muse avait de son côté accusé les prévenus de s'être "unis pour outrager des institutions étatiques, la police et l'armée, en mettant sur pied une fausse histoire de viol".
"Nous avons des témoins qui prouveront que toute cette histoire de viol a été fabriquée par cet homme, qui prétend être journaliste, avec l'aide des autres accusés," avait-il ajouté.
L'avocat Mohamed Mohamud Afrah, qui défendait l'ensemble des prévenus, a qualifié la décision du tribunal de "contraire aux lois tant somaliennes qu'internationales". "On ne m'a pas donné la possibilité de défendre légalement les prévenus", a-t-il ajouté.
De son côté, le président du Syndicat des journalistes somaliens, Mohamed Ibrahim, y voit "une erreur judiciaire et une attaque contre la liberté de la presse".
Selon Human Rights Watch (HRW), Amnesty International et le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), cette affaire est "liée à l'attention accrue accordée par les médias au nombre important de viols et de violences sexuelles (en) Somalie, notamment d'agressions attribuées aux forces de sécurité".
L'interview incriminée a été réalisée deux jours après qu'une télévision locale eut fait état du viol d'une femme par des hommes en uniforme de policiers et après la diffusion ce même jour par la chaîne satellitaire Al-Jazeera d'un reportage sur des cas de viols commis par les forces de sécurité dans des camps de déplacés autour de la capitale somalienne.
La Somalie est ravagée depuis plus de 20 ans par la guerre civile et livrée aux milices claniques, groupes islamistes et gangs criminels.
L'élection en septembre dernier du président Hassan Cheikh Mohamoud, après une décennie de gouvernements transitoires sans pouvoir ou corrompus, a suscité l'espoir de doter enfin la Somalie d'une réelle autorité centrale dont elle est privée depuis la chute du président Siad Barre en 1991.
Mardi, le ministre britannique des Affaires étrangères William Hague a indiqué sur Twitter avoir abordé cette affaire lors d'une rencontre avec le chef de l'Etat somalien, en visite en Europe, et lui avoir fait part de "l'importance pour les victimes de sentir qu'elles peuvent s'exprimer" pour dénoncer les faits.
Dans un récent communiqué commun, M. Mohamoud et Catherine Ashton, chef de la diplomatie européenne, avaient souligné le besoin en Somalie, notamment, "d'un système judiciaire offrant un accès équitable à tous les Somaliens".
Mais selon HRW, "inculper une femme affirmant avoir été violée est un mépris affiché à l'égard des nouvelles priorités du gouvernement somalien".
La représentante spéciale des Nations unies chargée des violences sexuelles, Zainab Hawa Bangura, avait dénoncé le mois dernier une procédure "qui ne vise qu'à criminaliser les victimes et saper la liberté d'expression".