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"BELGIUM, GOOD, GOOD!": NOS PARAS OVATIONNES A KISMAYO, 21 décembre 1992

Spectaculaire débarquement belgo-américain hier dans le Sud somalien. Nos paras sont accueillis en libérateurs.

KISMAYO
De notre envoyée spéciale

Lorsque les quinze véhicules amphibies américains jaillirent de l'aube rouge pour mordre la plage de Kismayo, la foule demeura d'abord silencieuse. Mais lorsque, quelques instants plus tard, les paras belges émergèrent des aéroglisseurs, un mumure se propagea parmi les gens en haillons, des Somaliens mais aussi des Bantous, nombreux en ce point de la côte et pauvres parmi les pauvres. Et bientôt, ce fut l'ovation.

D'un long pas détendu, nos paras traversèrent les dunes, plus légèrement harnachés que les Marines américains. Ils ouvraient la voie aux véhicules blancs frappés du drapeau tricolore qui brillaient dans le soleil levant.

Des enfants aux longues jambes de sauterelles, des femmes aux voiles flottants s'égosillaient à crier «Americans welcome» et surtout «Belgium good, good!», brandissant vers les soldats ébahis des rameaux, des branches fleuries. Et les Belges ne comprenaient guère les raisons d'un accueil aussi chaleureux, bien différent des réactions enregistrées à Mogadiscio ou Baidoa à l'arrivée des Marines ou de la Légion.
AIDE HUMANITAIRE ET FIDÉLITÉ


La raison d'une telle réaction est double. La première, c'est que, depuis des mois, ce sont les équipes de Médecins sans frontière Belgique qui gèrent les cinq centres de nutrition qui permettent à 7.300 enfants de s'accrocher chaque jour à la vie. Si la situation nutritionnelle est une peu moins dramatique à Kismayo qu'à Baidoa, c'est bien à MSF qu'on le doit. Contrairement aux agences de l'ONU, l'organisation belge n'a jamais lâché prise et, depuis septembre, a même réussi à réhabiliter l'hôpital de la ville, le seul depuis la frontière kényane jusqu'à la capitale. Les Belges ici sont devenus synonymes d'aide humanitaire, de fidélité.


Deuxième raison de l'enthousiasme de la foule: les Belges sont considérés comme des libérateurs. Ainsi, peu après le débarquement, deux hommes essoufflés, tremblant de peur, se jetaient littéralement dans mes bras, me poussant entre deux camions belges: Aidez-nous, on nous massacre! Chaque nuit, il y a des tueries. On égorge à l'arme blanche. Nous voulons être protégés par les soldats de votre pays.

Voilà un problème auquel le lieutenant-colonel Jacqmin n'avait certainement pas songé. Car l'arrivée des Belges et des Américains à Kismayo - en avance de trois semaines sur le calendrier initial - est due à la disponibilité des paras belges mais aussi à l'urgence de la situation. Les Américains, qui se sont déployés à Baidoa, Mogadiscio, Baladoglu, ont en effet été pressés de demandes venant des villes du sud, Kismayo, Merca, Prava.

SOUS COMMANDEMENT BELGE

Chassés de la capitale, les «technicals» font régner la terreur dans les campagnes et les petites cités de la côte. Se déployant avec une puissante lenteur, les Américains ont dû reconnaître qu'ils n'avaient, pour l'instant tout au moins, pas assez d'hommes à leur disposition pour gagner les villes du sud. C'est alors que les Belges, peu désireux d'assurer longtemps la garde de l'aéroport de Mogadiscio, proposèrent leurs services.

Le lieutenant-colonel Jacqmin rappela l'expérience africaine de ses hommes, la mobilité de son bataillon qui, contrairement aux Français, dispose de suffisamment de véhicules. L'accord fut rapidement conclu: les Belges reçurent le feu vert immédiat pour Kismayo, les Américains se contentant de les amener à pied d'oeuvre. Dès ce lundi, les C-130 venus directement de Belgique déposeront le reste de la compagnie et un équipement logistique et défensif plus léger peut-être que celui des Américains, mais immédiatement opérationnel. Quant au lieutenant-colonel Jacqmin, qui sera colonel d'ici la fin de la semaine, il a reçu la responsabilité du commandement de la région de Kismayo, avec autorité sur les soldats américains.

Le lieutenant-colonel Jacqmin (au centre) en pleine discussion avec des membres de la population de Kismayo.

Faut-il décrire la fierté du bataillon qui s'est vu confier très vite un tâche importante et difficile?

Car, ici, prendre le contrôle du port et de l'aéroport où se poseront bientôt les Galaxy américains n'est pas le plus grand défi. Les Belges devront à la fois assurer la sécurité des convois de vivres, empêcher le racket sur le port et l'aéroport, mais aussi rassurer la population. C'est pour cela que le lieutenant-colonel Jacqmin a été immédiatement reçu par l'homme fort de Kismayo, Omar Jess, qui soutient le général Aidid. Il fut question de sécurité militaire mais aussi de ces bandes qui terrorisent la ville.

Jess entend qu'on le considère comme un chef à part entière mais les Belges et les Américains, pour leur part, refusent d'encore apercevoir les «technicals» dans la ville. C'est pourquoi Jess s'est vu conseiller de faire disparaître les auto-mitrailleuses traînant dans la cour de son imposante demeure, vraisemblablement volée à un notable local, et de veiller à la discipline de ses hommes. Lorsque tous mes paras seront arrivés, j'aurai plus d'arguments à lui opposer, murmure le lieutenant-colonel Jacqmin qui aujourd'hui doit encore tenir compte de la faiblesse relative des effectifs de la coalition qu'il dirige.

LA DROGUE ET LES FUSILS

Armes saisies par les troupes belges dans la région de Kismayo.
Face à la prolifération des armes, face aux avions chargés de «kat» qui se posent sur l'aéroport et se faufilent entre les Hercules et les Transall, Jacqmin se veut plus réaliste que les Américains: La drogue est consommée dans le pays depuis des centaines d'années. Ce n'est pas moi qui vais changer les habitudes des Somaliens. Les fusils, par contre, je ne veux plus les voir.

En quelques heures, l'atmosphère de la ville a totalement changé. Ceux qui se terraient dans les camps osent à présent gagner les marchés, le cours du dollar a baissé. Les vivres sont revenus sur les étals et, durant toute la journée, des femmes, lançant des «you you», ont défilé derrière de hautes pancartes proclamant «Welcome welcome». Demain, il sera toujours temps de savoir qui commande à Kismayo. Aujourd'hui, il suffit encore d'espérer.



COLETTE BRAECKMAN

Source : archives.lesoir.be
Photos : DG Com - MoD

LES CASQUES BLEUS NE VEULENT PLUS ETRE DES CIBLES, FREINER L'ARRIVEE D'ARMES ET DE KHAT EN SOMALIE: L'ONU FERME UN AEROPORT, mercredi 11 août 1993

Les dirigeants de l'opération des Nations unies en Somalie (Onusom) ont décidé de fermer mardi l'aéroport «K50», situé à 50 km au sud-ouest de Mogadiscio, afin de réduire l'approvisionnement en armes de la faction du général Mohamed Farah Aïdid. Beaucoup d'armes arrivent par cet aéroport, a affirmé le porte-parole militaire de l'Onusom, le commandant David Stockwell, qui a précisé que, pour empêcher l'atterrissage sur l'aéroport, les soldats pakistanais ont disposé des obstacles sur les pistes.

Cette décision a été annoncée deux jours après la mort de quatre Casques bleus américains tombés dans une embuscade. Il s'agirait de la première phase d'une opération militaire d'envergure contre le chef de guerre somalien en fuite, tenu par l'ONU pour responsable de l'attaque de dimanche.

POUR EVACUER LES DERNIERS CASQUES BLEUS, DEBARQUEMENT SANS HEURT EN SOMALIE (MERCREDI 1er MARS 1995°

Des Marines américains et des fusiliers marins italiens ont débarqué, peu après minuit, dans la nuit de lundi à mardi, à Mogadiscio, dans le cadre de l'opération «Bouclier unifié», pour protéger le retrait des troupes des Nations unies encore présentes en Somalie.

LAV-25 de l'USMC et un Type 6614 de l'armée italienne, patrouille dans les rues de Mogadiscio

A peine le dernier Casque bleu, pakistanais, parti du secteur, des Somaliens en armes envahissaient la piste de l'aéroport de la capitale. Des soldats italiens ont dû riposter à leurs tirs nourris, durant la nuit dernière. Il s'agit de miliciens du clan Habr Gedir - celui du général Aïdid - qui ont pris position dans l'aéroport après en avoir chassé les pillards...

Atalanta vise les pirates à terre : toutes les explications (enfin presque)

22 mars 2012




Les avions de patrouille martime constituent un élément appréciable
de la reconnaissance et localisation des bases logistiques pirates
(crédit : Bundeswehr)

(BRUXELLES2, exclusif) Tous les Etats membres de l’UE qui avaient posé des réserves parlementaires à l’extension de l’opération anti-piraterie de l’UE (Eunavfor Atalanta) – les ont levé : le Royaume-Uni, la semaine dernière (réserve parlementaire), l’Espagne plus récemment (réserve d’alerte) et l’Allemagne devrait le faire demain. « L’Allemagne devrait lever demain la réserve et sera pleinement impliquée dans l’opération » a précisé Pedro Morenes, le ministre espagnol de la Défense, lors d’un point de presse.
Extension calendaire et géographique
L’extension de l’opération concerne, à la fois, la durée de l’opération, prolongée jusqu’à décembre 2014, que sa zone géographique, qui d’atteindre les eaux territoriales et intérieures somaliennes (ports, eaux entre la côte et les iles) comme ses côtes (les plages). Ce point devrait, normalement, alors être approuvé sans débat, avec les « points A » vendredi.

Les détails dans le plan d’opération (Oplan)
Cette décision fixe un cadre général ; elle ne précise les modalités opératoires pour prévenir les attaques pirates. Les détails du plan « offensif » seront, en effet, fixés dans un plan d’opération qui devrait être approuvé la semaine prochaine par le COPS (Comité politique et de sécurité). Les deux décisions font partie d’un même « paquet » qui a déjà été préparé. Et, normalement, sauf incident de dernière minute, le commandant d’opération disposera dès le début du mois prochain, de nouvelles règles d’engagement et d’action permettant de prévenir certaines attaques pirates.

La guerre de l’Ogaden (1977-1978) : un conflit régional éclipsé par la guerre froide (1/3)

Source: Alliance Geostrategique



La guerre de l’Ogaden est d’abord un conflit frontalier opposant la Somalie du général Siad Barre à l’Ethiopie du colonel Mengistu, entrée en révolution en 1974. Elle trouve son origine dans des problèmes anciens concernant les délimitations de frontières au moment de la décolonisation. Elle est aussi provoquée par une opportunité qu’a saisie Siad Barre : celle du chaos et de la désorganisation supposée de l’Ethiopie, secouée par une révolution, et qui doit permettre aux Somaliens de reprendre la province de l’Ogaden. Elle marque surtout un renversement spectaculaire de la position de l’URSS, qui a soutenu jusque là le régime somalien, et qui va désormais appuyer l’Ethiopie agressée par son voisin. L’Armée Rouge profite d’un conflit qu’elle a en grande partie initié, par des livraisons d’armes aux deux camps, pour tester de nouveaux matériels et de nouvelles tactiques militaires sur le champ de bataille. Si la guerre de l’Ogaden s’inscrit parfaitement dans la dimension globale de la guerre froide, il n’en demeure pas moins que ses conséquences seront surtout importante pour les deux Etats africains concernés.

Au départ, un conflit frontalier…
La Corne de l’Afrique dans laquelle prend place ce conflit n’a pas une définition précise : c’est plus une métaphore qu’une réalité politique. Elle comprend l’Ethiopie, l’Erythrée, la Somalie et Djibouti, auxquels sont parfois rajoutées d’autres nations voisines. Ces territoires forment en quelque sorte un pont entre le Moyen-Orient et l’Afrique subsaharienne, dont l’influence géopolitique ne doit pas être sous-estimé. La Corne de l’Afrique est en effet sur le flanc des pays producteurs de pétrole de la péninsule arabique : elle contrôle les détroits de Bab El Manded et une partie du golfe d’Aden par lesquels passent nombre de pétroliers.

La Russie s’intéresse depuis longtemps à cette région. Les premiers contacts, en particulier, avec le royaume éthiopien, sont pris dès la fin du Moyen Age. Au XIXème siècle, pour contrer la mainmise britannique sur l’Egypte et le canal de Suez, la Russie tsariste, convaincue par ailleurs du potentiel économique de l’Ethiopie, y expédie des armes et des conseillers militaires, qui contribuent en partie à la victoire de Ménélik II sur l’Italie à Adoua en 1896. En 1887 par ailleurs, l’Ethiopie a annexé la province du Harar, évacuée par les Egyptiens, puis celles du Haud et de l’Ogaden, peuplées de Somaliens et sous protectorat britannique. Un traité sur les nouvelles frontières est signé entre l’Ethiopie, l’Italie et la Grande-Bretagne en 1897, mais sans consulter les populations somaliennes des provinces concernées, ce qui n’est pas sans conséquences sur la suite des événements.

Les liens russo-éthiopiens se distendent après la révolution bolchevique de 1917, notamment parce qu’un certain nombre de Russes blancs trouvent alors refuge en Ethiopie. Il faut attendre les années 30 pour que des relations commerciales soient rétablies, l’Union Soviétique négociant aussi avec la Somalie française et la colonie italienne d’Erythrée. En 1935, l’URSS dénonce l’invasion italienne de l’Ethiopie par Mussolini à la Société Des Nations, mais devant l’inefficacité de l’institution chargée de garantir la paix, elle préfère sauvegarder ses échanges commerciaux avec le régime fasciste. Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’image de l’URSS en Ethiopie va considérablement s’améliorer de par l’agression allemande, la dissolution du Komintern en avril 1943 et enfin, le 4 septembre de la même année, la réhabilitation de l’Eglise orthodoxe par Staline. Des relations diplomatiques sont établies entre l’Ethiopie et l’URSS.

L’empereur Haïlé Sélassié s’oppose alors violemment aux Britanniques après la défaite des Italiens, consommée dès 1941. Ceux-ci conservent en effet un contrôle de l’Ogaden et du Haud, ainsi que de la voie ferrée menant de la ville éthiopienne de Dire Dawa à la Somalie française. Les frontières avec leSomaliland britannique sont redéfinies, mais les Britanniques ne reconnaisssent pas les frontières éthiopiennes avec leur territoire tandis que le traité de 1897 laisse dans le flou la frontière entre l’Ethiopie et la Somalie italienne. Les Britanniques ont installé une administration militaire dans les colonies italiennes reconquises (Somalie, Erythrée), où ils laissent se développer une agitation politique nationaliste. En 1944, ils font cependant un geste en rétrocédant à l’Ethiopie le chemin de fer franco-éthiopien et en retirant leurs garnisons du pays.

L'AIDE A LA SOMALIE SE FERA MANU MILITARI - LES PARAS BELGES PRETS A UN DEPART IMMINENT ET A UNE ACTION EXEMPLAIRE.... , jeudi 3 décembre 1992

Une «opération de police internationale» est envisagée. Les paras belges se retrouveraient aux côtés des Marines.


Effrayant. Alors que 1.800 Marines américains se rapprochent des côtes somaliennes, la tragédie s'amplifie: selon le département d'Etat, la famine et les maladies font chaque jour plus d'un millier de morts. Dans la seule ville de Bardera (20.000 habitants), on compte plus de 100 morts par jour et, suivant les estimations de l'ONU, 200.000 Somaliens ont déjà péri et deux millions d'autres sont menacés. Il est donc urgent d'intervenir, pour empêcher les bandes armées de piller plus longtemps 80 % de l'aide humanitaire acheminée en Somalie.

C'est pour cela que le Conseil de Sécurité des Nations unies, au cours d'une réunion à huis clos, s'est prononcé pour l'envoi d'une force multinationale, qui serait proablement - mais pas nécéssairement - sous commandement américain. De toutes manières, les Etats-Unis, qui ont proposé de mettre 30.000 hommes à la disposition de l'ONU pour cette opération, auraient le contingent le plus nombreux. D'autres pays occidentaux appuyeraient cette opération multinationale: la France, l'Italie et la Belgique.

Depuis septembre en effet, la Belgique tient 500 paracommandos à la disposition des Nations unies. Mais, pour les envoyer en Somalie, elle exige l'accord des parties en présence, tandis que les militaires, conscients des dangers, souhaitent partir munis d'un équipement défensif efficace. Désormais, la mission des militaires belges pourrait prendre une autre tournure: ils participeraient à une sorte d'opération de police internationale et destinée à garantir l'accès des secours aux populations civiles.

Cependant, malgré la présence dans la Corne de l'Afrique d'observateurs militaires belges, malgré le fait qu'un C-130 de notre Force aérienne participe déjà aux opérations de secours depuis le Kénya, les responsables belges ne présentent pas comme imminent le départ de nos paracommandos. Pour plusieurs raisons. D'abord parce que la mise en oeuvre de l'opération exige encore une décision du Conseil de sécurité de l'ONU et que certains pays du tiers monde demeurent réticents à cet exercice musclé du droit d'ingérence, même s'il se justifie par l'urgence humanitaire.