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SOMALIE: L’historique d’un drame

 



NAIROBI, 29 août 2011 (IRIN) - La Somalie n’a plus de gouvernement effectif depuis janvier 1991, date à laquelle l’ancien président Siyad Barre a été renversé.

Depuis, les affrontements entre chefs militaires, forces gouvernementales et différentes alliances d’insurgés islamistes se sont soldés par la mort de milliers de Somaliens et le déplacement de centaines de milliers d’autres.

Au nord, l’ancien protectorat britannique du Somaliland a proclamé son indépendance du reste de la Somalie en mai 1991, et la région du Puntland, au nord-est du pays, a déclaré son autonomie en 1998. Ces deux régions sont restées relativement paisibles, malgré une recrudescence de l’insécurité dans le Puntland au cours des dernières années.

Lancée en 1992, l’opération Restore Hope (« restaurer l’espoir »), une intervention américaine mandatée par les Nations Unies pour encadrer la distribution d’aide humanitaire à la suite d’une crise alimentaire majeure, a été l’une des tentatives les plus audacieuses pour tourner la page en Somalie.

Voici une chronologie des événements ayant conduit au conflit et à la famine actuels dans certaines régions du centre-sud de la Somalie.

26 juin 1960 : L’ancien protectorat britannique du Somaliland obtient son indépendance ;

1er juillet 1960 : L’ancienne Somalie italienne accède à l’indépendance. Les anciennes colonies britannique (nord-ouest) et italienne (sud) sont fusionnées ;

15 octobre 1969 : Le président démocratiquement élu Abdirashid Ali Sharmarke est assassiné par l’un de ses gardes du corps ;

21 octobre 1969 : L’armée du général de division Mohamed Siyad Barre profite de l’incapacité du Parlement à choisir un nouveau président pour renverser le gouvernement civil. L’armée suspend la constitution, interdit les 86 partis politiques et s’engage à éradiquer la corruption. M. Barre dirige le Conseil révolutionnaire suprême, un organe composé de 25 membres appartenant notamment à la police et à l’armée ;

21 octobre 1970 : La junte militaire proclame la Somalie pays socialiste et adopte le « socialisme scientifique ». On assiste à un glissement vers un encadrement soviétique ; le pouvoir des organes de sécurité et des réseaux du renseignement est renforcé ;

21 octobre 1972 : Le somali est doté d’une transcription écrite. Un alphabet roman modifié est adopté pour l’orthographe officielle de la langue.

1974 : L’une des pires famines, connue sous le nom de Dabadeer (« à longue queue »), frappe le nord et le centre de la Somalie et fait plusieurs milliers de morts. Le gouvernement Barre déplace plusieurs dizaines de milliers de pasteurs vers le sud de la Somalie. Le pays rejoint la Ligue arabe ;

Juillet 1977 : Une guerre d’usure de petite envergure entre des insurgés soutenus par la Somalie et l’armée éthiopienne se transforme en guerre totale lorsque la Somalie déclare la guerre à l’Éthiopie. Elle restera dans l’histoire comme la guerre froide la plus féroce du continent. Les combats se déroulent dans la région éthiopienne du Somali.

13 novembre 1977 : La Somalie expulse environ 6 000 Russes, Cubains et autres alliés soviétiques à la suite du changement de camp de l’Union soviétique et de son alliance avec l’Éthiopie ;

Mars 1978 : Le gouvernement somalien annonce le retrait de ses troupes ;
8 avril 1978 : Après la défaite de l’armée somalienne, un groupe d’officiers de l’armée tente de renverser le régime de M. Barre. La tentative de coup d’État est étouffée, et le président durcit son emprise. Il lance un processus visant à remettre le pouvoir aux mains de ses proches et de son sous-clan, le Darod-Marehan. Il donne également du pouvoir aux sous-clans associés, Dulbahante et Ogadeni ;

Mai 1988 : Le Mouvement national somalien (MNS) monte une offensive dans le nord en réponse aux violentes politiques d’après-guerre du régime. M. Barre riposte en bombardant la zone. Des centaines de milliers de civils sont déplacés et les morts sont nombreux. Il s’agit du premier véritable défi lancé au gouvernement Barre et du début de la prolifération d’une opposition armée au régime ;

Mai 1990 : Un manifeste appelant à une convention de réconciliation nationale afin d’éviter une guerre civile prolongée est publié à Mogadiscio, la capitale. Il est ratifié par 144 personnes représentant tous les clans somaliens, parmi lesquelles des hommes politiques, des chefs religieux, des professionnels et des hommes d’affaires ;

Décembre 1990 : Un soulèvement armé éclate à Mogadiscio ;

27 janvier 1991 : M. Barre s’enfuit de Mogadiscio. Des forces fidèles au Congrès de la Somalie unifiée (CSU), majoritairement composé de membres du clan Hawiye, s’emparent de la ville ;

28 janvier 1991 : Ali Mahdi Mohamed, un hôtelier, est nommé président par le CSU ; La branche militaire du CSU dirigée par le général Mohamed Farah Aydid conteste cette nomination ;

18 mai 1991 : L’ancien protectorat britannique du Somaliland proclame unilatéralement son indépendance du reste de la Somalie dans la ville de Birao ;

Juillet 1991 : Une conférence est organisée à Djibouti à l’occasion de laquelle M. Mohamed est nommé président intérimaire, mais M. Aydid et sa branche du CSU contestent cette nomination ;

17 novembre 1991 : Des combats généralisés éclatent entre les deux factions du CSU ;


Photo: Abdisamad Abdulakdir/IRIN Radio
Le bilan s’élève à plusieurs milliers de morts et de blessés (photo d’archives)

3 mars 1992 : Un cessez-le-feu entre en vigueur entre les factions belligérantes à Mogadiscio ;

1992 : Des combats éclatent dans le nord-est entre le groupe islamiste Al-Ittihad et la milice fidèle au Front démocratique pour le salut de la Somalie (FDSS), mené par le colonel Abdullahi Yusuf Ahmed ;

Avril 1992 : Les Nations Unies lancent l’opération ONUSOM I en Somalie ;
Décembre 1992 : Déploiement de la Force d’intervention unifiée (UNITAF), sous l’égide des États-Unis, à Mogadiscio dans le cadre de l’opération Restore Hope ;

Février 1993 : Une conférence de trois mois est organisée à Borama pour choisir le nouveau dirigeant de l’État autoproclamé du Somaliland. Mohamed Haji Ibrahim Egal, ancien Premier ministre somalien, est élu en mai 1993 ;

Mars 1993 : Nouvelle tentative sérieuse d’établissement d’un dialogue de paix. Une initiative éthiopienne évolue en une conférence de réconciliation bénéficiant du soutien commun des Nations Unies et de l’Éthiopie à Addis-Abeba ;

4 mai 1993 : L’UNITAF passe le relais à l’opération ONUSOM II ;

Une présence d’Al Qaida en Somalie ?

En Somalie, l’islam est arrivé dès les VIIème-VIIIème siècles de notre ère, surtout par le contact des marchands arabes. Aujourd’hui, 98 % de la population est musulmane. L’islam somalien se caractérise par la présence de confréries soufies, en particulier la Qaadiriya et l’Ahmediya. Le sunnisme orthodoxe est la norme, avec un clergé en général proche des élites dirigeantes. Il a fallu attendre la guerre civile consécutive à la chute de Siad Barre en 1991 pour voir l’islam véritablement jouer un rôle important en politique. Le mouvement Al-Ittihad, un des principaux groupes armées de la guerre civile somalienne, avait d’ailleurs été mis sur la liste des organisations terroristes par les Etats-Unis en 1998 ; on peut le considérer comme un surgeon des Frères Musulmans. Il avait des liens avérés avec la mouvance Al Qaïda.

Des shebab, un groupe djihadiste inféodé à al-Qaida,
Mogadiscio, Somalie, le 1er janvier 2010.
REUTERS/Feisal Omar

Que dire d’ailleurs de la présence d’Al Qaïda en Somalie ? Il semblerait que les premiers éléments soient arrivés sur place en février 1993, depuis Peshawar, au Pakistan. Ils auraient même joué un rôle dans les attaques conduites contre les troupes de l’ONU et les Américains cette année-là. Plus vraisemblablement, la Somalie de l’immédiat après-Siad Barre était un excellent point de recrutement pour l’organisation, qui a surtout fourni de l’entraînement à certains Somaliens, fonctionnant un peu comme un camp de forces spéciales. Les membres d’Al Qaïda se heurtent d’ailleurs au problème clanique : leurs convois sont souvent attaqués, et le message a du mal à passer auprès d’une population soucieuse d’abord de se protéger contre les clans voisins. Il est intéressant de voir que l’organisation islamiste se heurte au même problème que les Américains : elle n’arrive pas à cerner le contexte local, et le discours salafiste grippe devant la question de l’enseignement soufi, très développé en Somalie. Elle arrive cependant à conquérir certains secteurs, en particulier le port de Ras Kamboni, sur l’Océan Indien, proche de la frontière avec le Kenya dans le sud du pays ; ce sera d’ailleurs l’un des bastions de l’UTI. Des camps d’entraînement y sont installés pour des volontaires étrangers, non sans opposition locale d’ailleurs


Sources:

http://mecanoblog.wordpress.com
http://www.lemonde.fr/afrique
http://www.slateafrique.com
http://jssnews.com