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NOS 550 PARAS AUX COTES DES MARINES EN SOMALIE

Samedi 5 décembre 1992


La bannière de l'ONU couvrira une opération militaire internationale en Somalie. Nouvelle avancée du droit humanitaire.


La résolution 794, adoptée à l'unanimité, Chine comprise, par le Conseil de sécurité de l'ONU, et qui autorise une intervention militaire en Somalie, représente un événement sans précédent sur le plan diplomatique, mais surtout une avancée de la morale internationale. Une application spectaculaire de ce fameux «droit d'ingérence humanitaire» qui commande de porter secours aux victimes, quitte à bousculer la souveraineté des Etats. Il est vrai qu'en Somalie, il n'y a plus d'Etat...

La résolution 794 autorise le secrétaire général de l'ONU, M. Boutros-Ghali, et les Etats concernés, à employer tous les moyens nécessaires pour instaurer aussitôt que possible les conditions de sécurité permettant les opérations de secours humanitaires.

L'opération «Restore hope» (restaurer l'espoir) se déroulera en deux phases. Dans un premier temps, une force multinationale, dont les Américains assureront le commandement et fourniront l'essentiel des effectifs - de 20.000 à 30.000 hommes - tentera de ramener à la raison les groupes armés qui détournent l'aide humanitaire et terrorisent les civils affamés. Les Américains espèrent que cette première étape sera terminée d'ici fin janvier, lorsque Bill Clinton entrera en fonctions.

La deuxième phase concernera le rétablissement des circuits d'aide humanitaire et la troisième, la plus longue, la plus compliquée, tentera de recréer des structures politiques viables dans un pays déchiré par une guerre de clans.

Si la direction des opérations sera assurée par les Américains - qui, pour la première fois de leur histoire, s'engagent ainsi dans un conflit où ils ne considèrent pas que leur intérêt vital soit en jeu -, l'ONU gardera le contrôle politique de l'opération, décidera de son déclenchement et de sa clôture.

Les Nations unies sont d'ailleurs très soucieuses de donner une «coloration» internationale à cette intervention: 1.700 soldats français y participeront, depuis Djibouti, de même que des contingents canadiens, marocains, italiens, voire nigérians.

Quant aux Belges, ils sont parmi les premiers recrutés. C'est depuis septembre dernier que 550 de nos paras sont en instance de départ, mis à la disposition de M. Boutros Ghali pour une opération qui au départ se voulait strictement humanitaire. Cette fois, les militaires belges seront intégrés au sein d'une force multinationale qui devra peut-être, pour pouvoir remplir sa mission, faire usage de ses armes. Les paras partiront donc avec tout leur équipement: des blindés légers, des missiles Milan, leur transport étant acheminé par les Américains.


Le Conseil des ministres de ce vendredi a approuvé la mission, mais d'autres étapes doivent encore être franchies. C'est ainsi que Willy Claes doit demander lundi à la CEE d'accepter de financer la majeure partie de cette mission dont la nature a quelque peu changé. II faudrait trouver quelque 200 à 300 millions de FB dans l'immédiat, car les Nations unies n'ont guère les moyens de financer le déploiement des troupes. Si l'accord européen est donné, nos paras pourraient, dès mercredi, être prêts à partir. Un commandement américain sera familier à nos militaires, qui ont déjà participé à de nombreuses opérations conjointes des forces de l'Otan.

Lorsque les marines et leurs alliés débarqueront en Somalie, ils trouveront le chaos et l'anarchie, mais devront-ils affronter la résistance des «seigneurs de la guerre»? Bernard Kouchner, le secrétaire d'Etat français à l'action humanitaire, estime que les risques sont limités: Il y a parmi les combattants des gamins de 14 ans en possession de mitrailleuses, qui vont s'enfuir en courant, a-t-il déclaré. La perspective de l'arrivée imminente des marines a déjà provoqué le repli de milices présentes à Mogadiscio tandis que plusieurs chefs militaires, à l'exception du général Aïdid, ont, fût-ce du bout des lèvres, approuvé l'intervention étrangère.
Quant aux organisations humanitaires, si elles sont soulagées à l'idée de bénéficier bientôt d'une protection militaire, elles se posent cependant bien des questions. Car lorsque l'opération se terminera, il restera à reconstruire la Somalie, à trouver un accord politique durable entre les partis et les factions, voire à constituer un gouvernement de transition. Si une solution politique n'est pas trouvée, les Américains, et en particulier leur nouveau président, risquent, fin janvier, de se trouver dans une situation peu confortable: peu désireux de rester, incapables de partir. M. Bush a couronné son mandat par une action d'éclat sur le plan humanitaire; pour M. Clinton, l'héritage risque d'être empoisonné.

COLETTE BRAECKMAN

Source : archives.lesoir.be

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