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Maintien et imposition de la paix en Somalie (1992-1995) - Partie 1

Jean-Paul Brodeur1

Introduction2

Cette étude porte sur le conflit qui se déroule en Somalie depuis l'insurrection du peuple somalien contre le Président Syad Barre, en 19883 et qui se poursuit toujours à l'heure actuelle, bien qu'il ne fasse plus l'objet d'une couverture de presse attentive. La période sur laquelle nous nous pencherons de façon plus explicite recouvre les efforts de l'Organisation des Nations-Unies (ONU) pour y mettre un terme. Elle s'ouvre le 23 janvier 1992 par la résolution 733 de l'ONU4, qui appelle au cessez-le-feu et pose, en vertu du chapitre VII de la Charte de l'ONU, un embargo sur l'envoi d'armes à destination de la Somalie ; elle se termine le 31 mars 1995, à la clôture de la seconde opération de maintien de la paix de ONU en Somalie (UNOSOM II).

Bien qu'aucune d'entre elles ne prétende couvrir ce conflit dans tous ses aspects et dans toute son étendue, il en existe plusieurs études5.

On s'entend généralement à penser que les interventions de l'ONU en Somalie se sont soldées par un échec, qu'elles se soient déroulées sous le commandement direct de l'ONU (UNOSOM I et II) ou sous celui des Etats-Unis opérant en conformité avec des résolutions de l'ONU (United Task Force - UNITAF).

J. L. Hirsch et R. B. Oakley considèrent que la Somalie a constitué pour les opérations sous la responsabilité médiate ou immédiate de l'ONU " un pays-laboratoire pour l'application des nouvelles théories en matière de maintien de la paix "6.

A l'égard du recours à la force, l'action de l'ONU en Somalie traverse le spectre entier des options disponibles à cette organisation internationale : (i) l'opération UNOSOM I a reposé, bien que de façon ambiguë, sur le chapitre VI de la Charte de l'ONU qui concerne le règlement pacifique des conflits ; (ii) l'UNITAF fut autorisée en vertu du chapitre VII de la Charte, diversement interprété par les Etats-Unis (recours essentiellement défensif à la force armée) et les plus hautes instances de l'ONU (recours plus libre à la force) ; (iii) l'opération UNOSOM II fut également fondée sur ce même chapitre VII, interprété cette fois de façon plus offensive quant au recours à la force armée. L'UNOSOM I s'en remit pour l'essentiel aux moyens traditionnels de la diplomatie et fut critiquée pour son impuissance. L'UNITAF tenta de préserver un équilibre précaire entre le maintien et l'imposition de la paix ; son action fut marquée par un certain nombre de violations très sérieuses des droits de la personne, de la part en particulier des contingents belge et canadien. L'UNOSOM II fut caractérisée par son usage intempérant de la force armée et il en résulta une guerre en règle entre les forces de l'ONU et les factions somaliennes.


L'un des principaux problèmes que pose la somme de ces opérations diverses est celui de la possibilité de recourir de façon normalisée (régie par des règles explicites et contraignantes) à l'usage de la force dans une situation de conflit. Ce problème n'a pas été résolu lors des opérations en Somalie, qui ont dérivé d'une diplomatie trop tardive vers un affrontement indûment précipité. Ce sont ces problèmes de l'introduction d'un ensemble spécifique de normes dans l'exercice de la force et de la possibilité (infiniment paradoxale) de réglementer la violence dépensée au sein d'un conflit, qui forment l'objet complexe de cette étude.

Le Canada a fourni un contingent à l'UNITAF. Des soldats parmi les troupes canadiennes, dont on ne sait encore le nombre précis, non seulement ont violé les règles d'engagement du combat de l'ONU dans le cadre de ses interventions pour maintenir la paix, mais ont également transgressé les lois internationales de la guerre. Leur comportement a fait l'objet d'une enquête instituée par les forces militaires canadiennes (Commission d'enquête sur le groupement tactique du régiment aéroporté canadien - COCANMIL) et est maintenant étudié par une commission civile créée par le gouvernement du Canada (Commission d'enquête sur le déploiement des Forces canadiennes en Somalie, COCANCIL). Nous avons nous-même produit une étude pour cette dernière commission et avons été associé à ses travaux. Nous allons ici utiliser le cas de figure canadien comme un prisme pour tenter de décomposer le peu de lumière que nous possédons sur ces événements7.

Notre étude est divisée en trois parties. Nous rappellerons d'abord les événements qui ont marqué le conflit somalien, en insistant sur les épisodes pertinents par rapport aux problèmes que nous désirons soulever et qui sont liés au recours à la violence. Puis, nous analyserons en second lieu, les caractéristiques des événements qui sont significatives pour notre propos. Nous tenterons enfin, dans une dernière partie, de rassembler nos analyses dans des schèmes conceptuels d'ensemble.

Le conflit somalien. Son arrière-plan et ses principales étapes

Avant de rappeler les principales étapes dans les événements de Somalie, il importe de souligner qu'il n'en existe pas de présentation neutre et que toute réflexion qui les prend pour objet est partie prenante dans le conflit des interprétations. Notre approche est, quant à elle, tributaire d'une sociologie des appareils qui utilisent la force et notre regard sur ces événements est porté à partir du Canada et de l'intervention canadienne en Somalie.

La Somalie jusqu'à l'indépendance

La Somalie est un pays de 637 500 km² situé sur une large bande de terrain au long du Golfe d'Aden (au nord) et de l'océan Indien (à l'est) 8. Le territoire formé par la Somalie et l'Ethiopie constitue ce qu'on appelle la Corne de l'Afrique. Celle-ci fait face à l'Arabie Saoudite et borde en partie la route du pétrole ; elle occupait donc au temps de la Guerre froide une position stratégique. La plupart des terres de la Somalie sont désertiques ou semi-désertiques. Les peuples qui les habitent sont des nomades qui pratiquent l'élevage au sein d'une économie pastorale. Les estimations du nombre des Somaliens varient entre 4,5 et 7 millions, selon que l'on ajoute au compte officiel de la population somalienne, les Somali qui habitent dans trois territoires qui ne font pas partie des frontières de la Somalie, soit (i) l'Ogaden, (ii) la partie nord-est du Kenya (le Wajir) qui jouxte la Somalie, et (iii) une partie du territoire de Djibouti9.

La Somalie possède une longue histoire. Les mentions de l'existence de Mogadiscio (" Mogadichou ") remontent au moins au XIIIe siècle10. La ville était apparemment célèbre pour la qualité de ses cotonnades au XIVe siècle11. Il y eut deux tentatives d'unification politique de la Somalie, qui échouèrent essentiellement pour des raisons qui en viendront à constituer des leit-motifs de l'histoire des Somali, à savoir l'intervention étrangère et les rivalités internes entre les clans. La première de ces tentatives eut lieu au XVIe siècle, sous la direction de l'imam Ahmed el Ghazi (dit Mohammed Gragne ou le Gaucher), et fut dirigée contre l'Ethiopie. Après quelques succès initiaux, les Ethiopiens parvinrent à défaire les bandes somali et à tuer le Gaucher, avec l'aide des Portugais. La seconde tentative d'unification interviendra à la fin du XIXe siècle, sous la conduite de Mohammed Adballah Hassan, dit le " Mollah fou " (qui n'était selon les historiens ni mollah, ni dément). Mohammed Abdallah Hassan proclama le Jihad contre tous les étrangers qui s'étaient installés sur le territoire des Somali, Anglais, Ethiopiens et Italiens. La guerre sévit pendant vingt et un ans. A la fin, Mohammed Abdallah Hassan ne fut pas tant abattu par les Britanniques, bien qu'ils déployèrent contre lui les ressources de leur flotte et de leur aviation militaire naissante, que par les rivalités claniques qui divisèrent ses alliés. Au terme de cette guerre, le territoire somalien fut partagé entre les Britanniques, les Français, les Italiens et les Ethiopiens. Le Somaliland britannique et la Somalie orientale italienne au sud furent les deux principales entités politiques à naître de cette partition. A proprement parler, les Britanniques n'occupèrent pas le pays, se contentant d'y signer des traités qui obtenaient le consentement des clans somali à vivre sous un protectorat britannique. Quant à l'Italie, elle investit un minimum de ressources pour développer la Somalie orientale italienne, les dépenses militaires accaparant la plus grande partie du budget de la colonie.

Quatre ans après la proposition d'Ernest Bevin, le ministre travailliste des Affaires étrangères de la Grande-Bretagne, pour créer une Grande Somalie réunissant sous la tutelle de Londres tous les territoires habités par le peuple somali, l'ONU chargea l'Italie de préparer, en 1950, l'indépendance de la Somalie, qui devait être proclamée au cours des dix années suivantes. La Somalie souffrait alors d'un sous-développement chronique et était un des pays les plus pauvres de la planète12.

De l'indépendance à la chute de Syad Barre (1960-1990)

En dépit de la déclaration Bevin, selon laquelle le British Somaliland, l'Africa Orientale Italiana, la Côte française des Somali, l'Ogaden et le Northern Frontier District du Kenya devaient être réunis pour former la Grande Somalie, seuls le Somaliland britannique et l'Afrique orientale italienne furent réunis pour créer un nouvel Etat indépendant, en 1961. Le caractère inachevé de la création de ce nouveau pays devait se manifester en 1963, quand la Somalie refusa de reconnaître le caractère sacré des anciennes frontières coloniales, à la différence des nouveaux Etats africains. La situation précaire du jeune Etat était perceptible du fait que, de 1964 à 1967, il reçut plus du triple de l'aide extérieure reçue annuellement par les autres pays en voie de développement13. Le 16 octobre 1969, le Président Abdulrashid Ali Shermake fut assassiné et provisoirement remplacé par Daud Abdullah Hersi. Le 21 octobre, le général Syad Barre s'empara du pouvoir sans effusion de sang et se fit nommer Président par une junte militaire.

Le point de rupture du régime de Syad Barre se situe en 1977. Voulant profiter de l'affaiblissement du régime du colonel Mengistu en Ethiopie, qui était la proie de désordres intérieurs, Syad Barre lança ses forces à la reconquête de l'Ogaden, une des terres irrédentes de l'Ethiopie. Il remporta d'importants succès initiaux. Toutefois, craignant un déséquilibre des forces dans la Corne de l'Afrique par suite d'une victoire somalienne, l'URSS changea de camp et appuya l'Ethiopie en lui envoyant des armes et surtout un corps expéditionnaire composé de conseillers soviétiques et de plusieurs milliers de soldats cubains. Sans avoir été véritablement vaincues sur le terrain, les forces somaliennes durent faire précipitamment retraite en Somalie. Cet échec marqua le début de la fin pour Syad Barre.

Les diverses actions de l'ONU

Les périodes de troubles civils sont souvent caractérisées par des appels à la paix. Le cas somalien ne fait pas exception et il y eut de nombreuses résolutions réclamant une solution pacifique à la crise. Une de ces premières résolutions fut présentée en mai 1990 par un groupe de somaliens modérés, alors que Syad Barre était encore au pouvoir14. Cette résolution sera suivie de beaucoup d'autres.

L'UNOSOM I


Alarmée par l'extension de la famine, l'ONU vota la Résolution 733, le 23 janvier 1992. Cette résolution appelait toutes les parties au conflit à conclure un accord de cessez-le-feu et invoquait déjà le chapitre VII de la Charte pour inviter les pays membres de l'ONU à mettre un terme à toute livraison d'armes aux belligérants somali. Cette première mesure, qui resta sans effet, fut suivie le 17 mars 1992 de la résolution 746 qui sanctionnait l'envoi d'une équipe technique en Somalie. Cette équipe devait faire un rapport sur les besoins de la population somali et sur les meilleures façons de lui venir en aide. L'équipe envoyée par l'ONU fut dirigée par Mohamed Sahnoun, un diplomate algérien qui devait devenir le chef de la première mission de l'ONU en Somalie (UNOSOM I).

Cette mission fut créée par la Résolution 751, du 24 avril 1992. Elle était fondée sur une présupposition illusoire - que les parties au conflit somalien s'entendraient pour un accord de cessez-le-feu - et ne prévoyait en conséquence que des moyens dérisoires pour mettre un terme au conflit (l'envoi de cinquante observateurs pour surveiller la mise en application du cessez-le-feu ; on s'affaira par la suite à augmenter cette force). Le chef d'UNOSOM I, Mohamed Sahnoun, était toutefois un homme énergique, d'expérience et d'imagination.

On a laissé entendre15 que Mohamed Sahnoun était près d'obtenir un accord de paix lorsqu'il fut contraint de démissionner, à la fin d'octobre 1992. Cette rumeur est douteuse, car l'UNOSOM I rencontrait des difficultés très considérables sur le terrain, quelles que fussent les qualités de médiateur de son chef. Disposant de cinquante observateurs bloqués par les belligérants dans le port de Mogadiscio, il est sûr que l'UNOSOM I ne représentait d'aucune manière une force de dissuasion propre à inciter les factions ennemies à négocier et, au besoin, à imposer une solution politique au conflit.

Il est toutefois deux problèmes intimement liés qui devaient avant tout précipiter la création de l'UNITAF. Le premier résidait dans le pillage de l'aide alimentaire acheminée vers la Somalie. Le second était constitué par la difficulté de faire parvenir l'aide humanitaire aux populations auxquelles elle était destinée, en la transportant à travers un pays en proie à la guerre civile. Ces problèmes - le pillage et l'acheminement de l'aide à destination -- sont relativement différents, bien qu'ils aient souvent été confondus par l'intense couverture médiatique dont ils firent l'objet.

Il semble en effet que le problème le plus important n'ait pas été le pillage, mais la capacité élémentaire de transporter l'aide en nourriture depuis son point d'arrivée jusqu'aux points de distribution aux populations qui en avaient besoin. Sahnoun a comparé l'efficacité des réseaux de distribution des agences de l'ONU en Somalie avec celle des réseaux du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) 16. De février à juin 1992, le CICR a réussi à distribuer 53 900 tonnes métriques de nourriture parvenues en Somalie par plus de vingt points d'entrées. Par comparaison, le Programme alimentaire mondial - PAM, un organisme de l'ONU - n'a réussi qu'à distribuer 18 857 tonnes de nourriture sur les 68 388 promises en janvier 1992. Les réseaux mis en place par les autres organismes de l'ONU n'étaient pas, selon Sahnoun, plus efficaces que ceux du PAM.

L'UNITAF

C'est toutefois le problème du pillage de l'aide alimentaire qui a fait l'objet d'une couverture médiatique intensive et qui a déterminé les Etats-Unis à prendre la tête de l'opération Restore Hope (Rendre l'espoir), pour laquelle l'UNITAF fut créée.

La tragédie somalienne fut en 1992 d'une telle ampleur qu'il ne convient pas de reprendre les réserves d'usage sur les excès de la presse et de ceux qui exploitent ces situations, fréquemment avec les meilleures intentions du monde. D'après les données convergentes de Médecins sans frontières et de l'Office of Foreign Disaster Assistance, USAID, un quart des enfants de moins de cinq ans seraient morts dans la région au sud de la capitale. A Baïdoa, qualifiée de chef-lieu de la mort par Stephen Smith17, 40 % de la population et 70 % des enfants de moins de cinq ans moururent au cours de l'automne 199218. A Merca, autre ville du Sud, trente personnes par mois moururent dans la seule clinique d'Annalena Tonelli. Il est inutile de multiplier les exemples, les images de cette catastrophe ayant été, à cette époque, continûment projetées sur les écrans de la télévision mondiale.

D'après des renseignements fournis par les U.S. Marines, les effectifs de l'UNITAF se chiffrèrent à 38 301 combattants, parmi lesquels on trouvait 25 426 Américains et 12 875 personnes appartenant à des contingents autres que celui des Etats-Unis. D'après J. L. Hirsch et R. B. Oakley19 et R. Marchal20, vingt pays auraient fourni un contingent de soldats et quarante-deux pays auraient contribué au budget de l'opération, qui s'est élevé à quelque six cents millions de dollars (U.S.) 21. Il faut souligner qu'à titre de leader de l'intervention, les Etats-Unis assumaient 75% de ses coûts, alors qu'ils étaient préparés à n'assumer que 30% des coûts d'une mission sous la direction immédiate de l'ONU. Comme l'UNOSOM II qui devait prendre le relais de l'UNITAF serait une opération sous la responsabilité de l'ONU, on comprendra que le Secrétaire général de l'ONU ait voulu prolonger le plus possible la durée de la mission de l'UNITAF, afin de reporter le moment où l'ONU, déjà en sérieuse difficulté financière, devrait assumer 70% des coûts du maintien de la paix en Somalie.

Si la durée de l'opération " Rendre l'espoir " fait partie du contentieux entre l'ONU et les Etats-Unis, l'espace sur lequel devaient être déployées les troupes de l'UNITAF fit aussi l'objet d'un vif litige, dont les termes furent connus dès le début de l'opération. Pour les Etats-Unis, les troupes de l'UNITAF ne devaient être déployées qu'au sud de la Somalie et de façon plus particulière dans le triangle de la famine formé par les villes de Kismayo, Bardera et Baïdoa. Pour l'ONU, les troupes devaient policer l'ensemble du territoire de la Somalie. Comme l'opération était sous commandement américain, c'est la perspective des Etats-Unis qui triompha et les troupes de l'UNITAF ne furent déployées que sur 40% du territoire somalien.

Les résultats de l'opération " Rendre l'espoir " ont été diversement évalués. Les responsables américains ont estimé que l'action de l'UNITAF a constitué un intermède positif entre deux échecs, celui de l'UNOSOM I, qui précéda l'UNITAF, et celui de l'UNOSOM II, qui suivit l'opération " Rendre l'espoir "22. Stephen Smith, qui fut le correspondant du journal français Libération en Somalie, est beaucoup plus critique dans son évaluation de l'action de l'UNITAF23.

Au-delà de ces polémiques, il est possible de faire les constatations suivantes. Malgré les réticences des Américains à procéder au désarmement systématique des belligérants somali, ils réussirent néanmoins à négocier avec les chefs de guerre le cantonnement des armes lourdes et, de façon plus particulière, celui des technical cars, aussi appelés Mad Max24. Les deux principaux antagonistes - le général Aïdeed et le Président par intérim Ali Mahdi - se réunirent à quelques reprises en présence des Américains ou des Français et un cessez-le-feu précaire sembla être mis en vigueur. Ces réunions aboutirent à plusieurs accords : accord en sept points entre Aïdeed et Ali Mahdi (11 décembre 1992), accord général d'Addis Abeba - 8 janvier 1993 - sur un cessez-le-feu et la tenue d'une conférence de réconciliation nationale le 15 mars suivant, accord d'Addis Abeba sur la réconciliation nationale et la création d'un Conseil national de transition (Transitional National Council), détenteur de l'autorité souveraine en Somalie (27 mars 1993). Aucun de ces accords ne fut véritablement appliqué.

Escortés par les troupes de l'UNITAF, les convois humanitaires parvinrent à destination de manière plus fréquente et la distribution de l'aide humanitaire fut effectuée de manière plus efficace. La famine fut conjurée, là où elle sévissait de façon endémique. Certains contingents de l'UNITAF réussirent à rétablir quelques services (l'école, la police) et à effectuer des travaux de réhabilitation de l'environnement et des équipements fondamentaux.

Il est néanmoins crucial de garder en mémoire que l'opération conduite par l'UNITAF ne fut qu'une parenthèse que ses responsables américains s'efforcèrent de refermer le plus vite possible25. L'opération ne dura que cinq mois et, à part son succès technique sur le terrain, elle ne parvint pas à imposer une solution durable, politique, à la crise somalienne.

L'UNOSOM II

L'opération UNOSOM II est le résultat de l'adoption de la résolution 814 de l'ONU. Bien que cette résolution ait été adoptée le 26 mars 1993, les troupes participant à cette mission furent déployées plus tardivement, à l'exception des contingents de l'UNITAF qui, comme celui de la Belgique, étaient déjà présents en Somalie, et qui accepteront de prolonger leur mission dans le cadre de l'UNOSOM II.

Les effectifs de l'UNOSOM II furent constitués par vingt mille soldats et huit mille civils. Les Etats-Unis fournirent un contingent de quatre mille personnes à l'UNOSOM II, parmi lequel se trouvait une force d'intervention rapide (Quick Reaction Force - QRF) composée de troupes d'élite - Rangers et Delta Force. La QRF était équipée d'hélicoptères de combat, dont l'action est meurtrière. Par contraste, les autres contingents - en particulier ceux qui provenaient de nations non-industrielles - souffraient d'un sous-équipement chronique qui invitait les factions somaliennes à les défier.

OSOM II devait initialement se dérouler de mars à octobre 1993. L'opération fit l'objet de plusieurs prolongements dans le temps et ne se termina qu'en mars 1995, dans le désarroi. A la différence de l'UNITAF cantonnée dans le Sud, les troupes appartenant à l'UNOSOM II furent déployées dans toute la Somalie.

Une des composantes du contexte général au sein duquel UNOSOM II se déroula, fut une série de conférences de réconciliation nationale, sans cesse reconduites et de plus en plus improductives. Les péripéties de la mission sont nombreuses. On peut les répartir en deux périodes : (i) de mars à novembre 1993, qui constitue une véritable période de guerre entre les forces de l'ONU et celles du général Aïdeed et de la Somali National Alliance (SNA) que ce dernier avait forgée ; (ii) une période pendant laquelle s'entremêlent un conflit larvé avec des explosions spasmodiques de violence et des négociations entre les forces de l'ONU et la SNA. Cette seconde période s'étend de la fin novembre 1993 au 31 mars 1995.

Le cadre restreint de cette étude nous empêche de produire une chronique détaillée de ces deux phases ultimes du conflit somalien, en ce qui concerne la présence de troupes de l'ONU. Nous nous contenterons de fournir les principaux repères au sein de ces événements complexes.

- fin mars 1993 : le général " Morgan " (pro-Syad Barre) chasse les forces du colonel Omar Jess (pro-Aïdeed) de Kismayo, à la faveur d'une opération où les femmes et les enfants sont utilisés pour introduire des armes dans Kismayo. Lorsque le colonel Jess tentera de reprendre Kismayo le 7 mai 1993, le contingent belge de l'ONU, se croyant attaqué, repoussera les forces de Jess. Cet incident confirmera les soupçons des forces du général Aïdeed que l'ONU est une force partisane au service de ses ennemis.

- mi-mai 1993 : échec de la conférence de Galcayo convoquée par le général Aïdeed, qui blâmera l'ONU pour cet échec.

- 5 juin 1993 : des Casques bleus pakistanais tentent de pénétrer dans l'édifice de Radio-Mogadiscio au cours d'une perquisition dont le but est de saisir les armes qui y seraient cachées. Radio Mogadiscio diffuse depuis mai une violente propagande dirigée contre l'ONU. Les soldats pakistanais tombent dans une vaste embuscade qui fait vingt-quatre morts et cinquante-sept blessés dans leurs rangs. Ce grave incident est le point décisif de l'opération UNOSOM II.

- 6 juin 1993 : adoption de la résolution 837 de l'ONU, dont le paragraphe 5 appelle à l'arrestation, à la détention préventive et à la traduction devant les tribunaux des responsables de l'embuscade du 5 juin, afin qu'ils y reçoivent leur juste châtiment. Il n'est pas précisé devant quels tribunaux les prévenus seraient amenés. A la suite de ces événements, l'unité de commandement de UNOSOM II, qui était déjà précaire, se fracture davantage : des contingents comme ceux de la France et des Etats-Unis prirent de façon croissante leurs ordres de leur capitale respective.

- 17 juin 1993 : les soldats du contingent marocain attaquent les forces d'Aïdeed dans Mogadiscio-Sud, y faisant de nombreuses victimes. La tête du général Aïdeed est mise à prix pour 25 000 US$ par l'amiral américain Howe, qui est le Représentant spécial du Secrétaire général de l'ONU.

- 12 juillet 1993 : les Américains conduisent une opération contre les forces du général Aïdeed en utilisant les hélicoptères de combat de la QRF. Au moins douze Somali sont tués (la SNA évalue ce nombre à soixante-dix). La foule qui s'est rassemblée après cet incident massacre quatre journalistes accourus pour couvrir l'événement. Après cet incident, l'hostilité entre les forces du général Aïdeed et les troupes d'élite de la QRF américaine grandit et génère des affrontements qui font plusieurs victimes.

- 5-15 septembre 1993 : série d'affrontements entre les Casques bleus (nigérians, pakistanais et italiens) et les forces de la SNA. Ces affrontements font des centaines de morts parmi les Somali.

- 3 octobre 1993 : opération des troupes d'élite américaines (Rangers et Delta Force) dont la cible est l'hôtel Olympia de Mogadiscio, où des cadres de la SNA sont censés tenir une réunion. Les Américains sont encerclés par les forces de la SNA et ont dix-huit morts et soixante-dix-huit blessés. Cet affrontement fait de cinq cents à mille victimes parmi les forces somaliennes. A la suite de cet affrontement, le corps d'un soldat américain sera profané par la foule de Mogadiscio sous le regard omniprésent des caméras de CNN. La retransmission de ces images provoquera un scandale dans l'opinion publique américaine.

- 6 octobre 1993 : déclaration du Président Clinton, annonçant que toutes les forces américaines auront quitté la Somalie le 31 mars 1994.

- 16 novembre 1993 : adoption de la résolution 885 de l'ONU qui crée une Commission d'enquête sur les affrontements qui ont marqué l'UNOSOM II. L'ONU renonce à l'arrestation du général Aïdeed, dont la présence à la table de toute négociation pour un règlement politique de la crise est reconnue comme incontournable.

- mi à fin novembre 1993 : en dépit du souhait explicite des autorités américaines et de celles de UNOSOM II, les soldats américains renoncent à sortir de leurs bases pour patrouiller le terrain. Les autres contingents les imitent.

- 29 novembre 1993 : quatrième conférence humanitaire à Addis-Abeba. Cette conférence réunit la plupart des partis somali et des délégués internationaux.

- 6 janvier 1994 : Boutros Boutros-Ghali fait un rapport à l'Assemblée de l'ONU et insiste sur la nécessité d'une coopération de l'ONU avec tous les partis somaliens pour parvenir à un règlement de la crise. Cette attitude tranche avec l'intransigeance précédemment affichée par l'ONU.


- 10 mars 1994 : déclaration du général Aïdeed à la radio somalienne. Il se pose en leader national et appelle toutes les parties impliquées, tant nationales qu'internationales, à un règlement négocié du conflit.

- 25 mars 1994 : toutes les forces du contingent américain quittent la Somalie. Des Etats-Unis, il n'y restera plus que quelque mille civils et militaires. Près de vingt mille militaires et civils des autres contingents de l'ONU demeurent toutefois en poste. Ils appartiennent en majorité aux contingents du Botswana, de l'Egypte, de l'Inde, de la Malaisie, du Maroc, du Pakistan et du Zimbabwe.
Au total, UNOSOM II compte jusque-là 30 morts et 175 blessés dans les troupes des Etats-Unis, et 68 morts et 262 blessés parmi les casques bleus fournis par les autres pays membres de l'ONU. Les victimes somaliennes se chiffrent par milliers. Les affrontements armés se poursuivent.

- mi-juillet 1994 : le nombre des " technicals " en opération est redevenu aussi grand qu'avant décembre 1992 (UNITAF).

- août-septembre 1994 : affrontements entre Somaliens et forces de l'ONU. Au moins dix Casques bleus indiens sont tués.

- 5 septembre 1994 : les derniers Américains quittent la Somalie.

- février 1995 : avec l'aide de la France et de l'Italie, les Etats-Unis assument le retrait des derniers contingents de Casques bleus de la Somalie (Bangladesh, Egypte, Pakistan).

- 31 mars 1995 : UNOSOM II est officiellement terminée.

- 31 mars à aujourd'hui : la guerre se poursuit entre les diverses factions somaliennes, comme en témoignent quelques reportages dans la presse. il est toutefois difficile d'en évaluer l'intensité. en effet, la couverture médiatique de la Somalie demeure maintenant sporadique. Quant aux services de renseignement des pays membres de l'ONU, ils demeurent silencieux.

Une analyse des opérations de maintien de la paix

Nous traiterons dans cette partie des traits les plus significatifs des événements qui viennent d'être retracés, soit (i) les divers mandats confiés par l'ONU à ses forces et les ambiguïtés de ceux-ci ; (ii) les tentatives pour réglementer l'usage de la force par les troupes de l'ONU ; (iii) le poids différentiel de la vie humaine en Somalie et (iv) l'absence de renseignements fiables et compréhensifs sur la Somalie, préalables aux interventions dans ce pays.

Les difficultés soulevées par les divers mandats confiés par le Conseil de sécurité de l'ONU
Les divers mandats confiés aux troupes de l'ONU sont marqués par leur caractère ambigu. Nous allons maintenant relever les principales ambiguïtés.

L'escalade dans la formulation des mandats

La première constatation qu'il importe de faire par rapport aux interventions étrangères en Somalie est qu'elles se sont effectuées dans le cadre de trois opérations qui comportaient des différences profondes quant au type d'autorisation dont elles disposaient.

L'UNOSOM I fut en théorie une opération de maintien de la paix. En réalité, l'ambiguïté s'installa dès le départ. Les premières interventions de l'ONU par rapport à la Somalie reposent sur les résolutions 733 (23 janvier 1992), 746 (17 mars 1992), 751 (24 avril 1992), 767 (27 juillet 1992) et 775 (28 août 1992). Or, la première de ces résolutions s'autorise du Chapitre VII de la Charte de l'ONU - le chapitre qui porte sur le règlement des conflits par des moyens autres que pacifiques - pour réclamer un embargo sur l'exportation d'armes en Somalie ; cette résolution ne crée pas encore une force d'intervention. Celle-ci sera progressivement créée par les résolutions subséquentes : on enverra d'abord une équipe technique en mission d'observation en Somalie sous la direction d'un coordinateur (rés. 746) ; l'UNOSOM I sera créée par la résolution 751, selon laquelle cinquante observateurs et une force de sécurité, dont l'envergure ne sera pas précisée, seront déployés en Somalie, sous l'autorité d'un représentant spécial du Secrétaire général ; la résolution 767 porte sur la création d'un pont aérien pour acheminer l'aide humanitaire, divise la Somalie en quatre zones d'intervention et envoie une seconde équipe en mission d'observation ; la résolution 775 autorise le renforcement urgent de l'UNOSOM I, sans toutefois préciser quelle ampleur prendra ce renforcement. Aucune des résolutions postérieures à la résolution 733, qui invoquait elle-même le Chapitre VII de la Charte, ne mentionna l'un ou l'autre des deux chapitres sur la résolution des conflits (VI ou VII) 26.

Nous savons que le contingent canadien qui devait être déployé dans le cadre de l'UNOSOM I croyait qu'il allait effectuer une opération régie, comme toutes les opérations précédentes de l'ONU, par le chapitre VI de la Charte de l'ONU. Au regard du faible nombre des forces déployées, il ne pouvait en être autrement. Il importe toutefois de souligner que le seul chapitre de la Charte de l'ONU mentionné explicitement par la résolution initiale concernant la Somalie, fut le chapitre VII et non pas le chapitre VI. Il n'est pas interdit d'y voir un mauvais présage.

En apparence, la situation juridique de l'UNITAF était claire au regard du droit international. La création de l'UNITAF reposait sur la résolution 793 de l'ONU ( 3 décembre 1992 ), qui invoquait explicitement le chapitre VII de la Charte. Quant à l'UNOSOM II, elle fut établie par la résolution 814 de l'ONU (26 mars 1993) ; celle-ci invoquait également le chapitre VII de la Charte et elle investissait l'UNOSOM II d'un mandat très large. La résolution 837 fut votée le 6 juin, au lendemain d'un affrontement qui avait abouti à la mort d'au moins vingt-quatre soldats pakistanais de l'UNOSOM II. Elle instaurait, à toutes fins effectives, un état de guerre entre l'UNOSOM et les forces pro-Aïdeed de la Somali National Alliance (SNA), en réclamant que les responsables de l'attaque contre les Pakistanais soient arrêtés et déférés devant les tribunaux, que le déploiement des troupes de l'UNOSOM II s'accélère et que des équipements de combat tels que des véhicules blindés pour transporter les troupes, des tanks et des hélicoptères de combat soient livrés de toute urgence en Somalie par les Etats membres de l'ONU. De juin à novembre 1993, un conflit fit rage entre l'UNOSOM II et la SNA ; il se poursuivit de façon sporadique jusqu'à la fin de l'UNOSOM II en mars 1995.

Un examen même sommaire des résolutions de l'ONU relatives à la Somalie révèle une progression très sensible dans la licence qui est donnée aux forces de l'ONU de recourir à la force. Cet examen révèle en outre l'existence d'un paradoxe. En effet, l'UNITAF était une force autorisée au titre du chapitre VII de la Charte, et placée sous le commandement des Etats-Unis. A se fier aux précédents de la guerre de Corée et de la guerre du Golfe, il était légitime de s'attendre à ce que son déploiement constitue le moment fort des interventions en Somalie pour ce qui est du recours aux armes. Or, ce ne fut le cas d' aucune façon. L'intervention de l'UNITAF fut relativement pacifique - même pour l'oeil critique de African Rights27 - alors que l'UNOSOM II aboutit à un véritable bain de sang, par comparaison aux précédentes interventions de l'ONU. Il faut en effet insister sur le fait que contrairement à l'UNITAF, l'UNOSOM II était sous le commandement direct de l'ONU. Son recours systématique à la violence de juin à novembre 1993 apparaît d'autant plus inhabituel.

Après ces remarques générales sur l'évolution des résolutions de l'ONU par rapport à la Somalie, nous discuterons de cas précis d'ambiguïtés, en nous penchant successivement sur le mandat de l'UNITAF, sur celui de l'UNOSOM II et, finalement, sur des caractéristiques communes à ces deux opérations.

Le mandat de l'UNITAF : son ambiguïté

Le mandat de l'UNITAF était de recréer un environnement sécuritaire pour l'acheminement de l'aide humanitaire à ses destinataires. Ce mandat comportait deux lacunes fondamentales. La première était son silence sur les relations qui devaient prévaloir entre l'organisation sponsor (l'ONU) et l'Etat responsable de l'opération, c'est-à-dire les Etats-Unis. La seconde était de ne pas déterminer quels seraient les moyens à utiliser pour recréer l'environnement sécuritaire mentionné dans la résolution 793 de l'ONU.

Or, il se trouve que le parrain américain de l'UNITAF - le Président sortant des Etats-Unis, George Bush - et le Secrétaire général de l'ONU différaient profondément d'avis sur ces questions. Dans une lettre à Boutros Boutros-Ghali, le Président Bush déclara : " Je veux souligner que la mission de la coalition est limitée et spécifique : créer les conditions de sécurité qui vont permettre l'alimentation du peuple somalien affamé et qui vont permettre le transfert de ces fonctions de sécurité aux forces de maintien de la paix de l'ONU 28. "

Pour le Président américain, la création de ces conditions sécuritaires impliquait avant tout l'escorte armée des convois humanitaires ; elle n'impliquait pas le désarmement systématique de toutes les factions somaliennes, vivement souhaité par Boutros-Ghali. La tâche de désarmer les factions sera toutefois intégrée au mandat de l'UNOSOM II, comme en témoigne le rapport de la commission d'enquête créée par l'ONU : " Ainsi donc, à la différence de l'UNITAF, dont la participation dans le processus du désarmement était subsidiaire et dérivait de l'accord des 8 et 15 janvier 1993 qui prévoyait de procéder à un cessez-le-feu et au désarmement des combattants, la nouvelle UNOSOM (UNOSOM II) avait reçu le mandat de désarmer les milices sous l'invocation du chapitre VII de la Charte de l'ONU 29. "

Or, ce qui apparut clairement avec le recul dont disposait cette commission d'enquête - l'aspect subsidiaire du désarmement des factions au regard de la lettre du mandat de l'UNITAF - était loin d'être perçu d'une manière transparente par les troupes sur le terrain. Les Américains eux-mêmes procédèrent au cantonnement des équipements mobiles (les fameux technicals) 30. Quant au contingent canadien, il participa à diverses recherches de caches d'armes dans les villages avoisinant Belet Huen, où il était déployé31. Il est manifeste que les troupes déployées sur le terrain ne possédaient pas de consignes univoques sur leurs tâches en matière de désarmement des belligérants somaliens. Cette grave lacune allait exacerber la méfiance du général Aïdeed. Les troupes de l'UNITAF procédèrent en effet à des opérations ponctuelles de désarmement. Mais, l'absence de consignes précises les empêchèrent de conduire ces opérations de manière systématique et efficace. Pour ce qui est du désarmement des combattants, l'action de l'UNITAF fut donc assez marquée pour constituer un facteur irritant majeur pour les factions somaliennes, tout en étant insuffisamment énergique pour régler le problème de la circulation des armes de façon durable. L'UNITAF eut la bonne fortune de se retirer avant l'explosion qu'elle n'avait contribué qu'à différer.

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Notes:

1 Jean-Paul Brodeur est professeur à l'Université de Montréal et chercheur au Centre International de Criminologie Comparée.
2 L'orthographe du nom de certains des principaux protagonistes du conflit en Somalie varie non seulement selon les auteurs mais selon leurs articles (par exemple, Siyaad Barre et Siyad Barre, respectivement dans Marchal R., " Les mooryaan de Mogadiscio. Formes de la violence dans un espace urbain en guerre ", Cahiers d'études africaines, vol. 33, n° 2, p. 295-320 ; et dans Marchal R., " Somalie : Autopsie d'une intervention ", Politique Internationale, n° 61, p. 191-208. Dans les cas où des variations orthographiques existent, nous avons opté pour la plus simple (Syad Barre). A moins qu'il n'existe une désignation officielle en français, nous avons adopté, à l'instar de J.-C. Willame, la désignation anglo-saxonne des principaux mouvements et organisations qui se sont affrontés en Somalie (Par exemple, USC pour United Somali Congress), cf. Willame J.-C., Gouvernance et pouvoir, Essai sur trois trajectoires africaines. Madagascar, Somalie, Zaïre, Bruxelles, Institut Africain-CEDAF, 1994. L'anglais étant parlé dans une partie au moins de la Somalie (ex-Somaliland, au nord du pays), la désignation initiale des mouvements et des organisations s'est effectuée en anglais et c'est elle qui est retenue dans la documentation internationale.
3 Le début d'un conflit généralisé est fixé au 27 mai 1988 par l'organisation Africa Watch qui a produit un rapport sur cette guerre : Africa Watch, 1990, pp. 3 et 9. Cette date correspond à l'attaque de la ville de Burao au nord de la Somalie par le Somali National Movement (SNM). Ce conflit couvait depuis la défaite de la Somalie en mars 1978 dans la guerre qu'elle livra à l'Ethiopie pour s'emparer de l'Ogaden. Comme c'est fréquemment le cas pour l'histoire contemporaine, la chronologie de ce conflit est différemment marquée par ceux qui en on fait l'étude.
4 Toutes les résolutions de l'ONU citées dans cette étude sont de façon plus précise des résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU. Pour faire plus court, nous utiliserons l'expression " résolution de l'ONU " au lieu de celle de " résolution du Conseil de sécurité de l'ONU ".
5 Africa Watch, Somalia : A Government at War With its Own People. Report, London, Africa Watch, 1990 ; Brauman R., Le crime humanitaire, Paris, Arléa, 1993 ; Hirsch J. L., Oakley R. B., Somalia and Operation Restore Hope, Washington. D.C., United States Institute of Peace Press, 1995 ; Lewis I. M., Blood and Bone : The Call of Kinship in Somali Society, Lawrenceville, New Jersey,The Red Sea Press, 1994 ; Marchal R., " La guerre à Mogadiscio ", Politique Africaine, n°46, 1992, p. 120-125 ; Marchal R., " Les mooryaan de Mogadiscio. Formes de la violence dans un espace urbain en guerre ", Cahiers d'études africaines, vol. 33, n° 2, p. 295-320 ; Marchal R, " Somalie : Autopsie d'une intervention ", Politique Internationale, n° 61, p. 191-208 ; Sahnoun M., Somalia : The Missed Opportunities, Washington, D.C., United States Institute of Peace Press, 1994 ; Schraeder P. J., " La présence américaine dans la Corne après la fin de la Guerre froide : ruptures et permanences ", Politique Africaine, n° 50, p. 59-73, 1993. ; Smith S., Somalie, La guerre perdue de l'humanitaire, Paris, Calmann-Lévy, 1993 ; Torrenzano A., L'imbroglio somalien, Paris, L'Harmattan, 1995 ; Willame J.-C., op. cit. ; Prunier G., " A Candid View of the Somali National Movement ", Horn of Africa, vol. XIII-XIV, 1990-91. On trouvera également quelques articles dans des revues comme Politique Africaine ou Jeune Afrique.
6 Op. cit., p. 151.
7 Une grande partie de la documentation que nous utiliserons dans le cadre de cette étude repose sur les travaux de la Commission d'enquête sur le déploiement des Forces canadiennes en Somalie (COCANCIL), qui sont accessibles au public. Cette commission n'a pas encore terminé son enquête et tous ses résultats n'ont donc pas été livrés au public. Toutes les sources que nous utilisons sont publiques.
8 On notera à des fins de comparaison que la France s'étend sur 551 000 km² et que son territoire est par conséquent moins étendu que celui de la Somalie.
9 Cf. I. M. Lewis évalue la population à cinq millions d'habitants dont les trois quarts seraient des nomades, op. cit., p. 173, note 16.
10 Voir la chronologie de Ki-Zerbo J., Histoire de l'Afrique noire, d'hier à demain, Paris, Hatier, 1972, p. 663.
11 Cf. Willame J.-C., op. cit., p.
12 Pour tous ces renseignements sur l'histoire de la Somalie avant son indépendance, voir Willame J.-C., op. cit., p. 69-78, et Lewis I. M., op. cit., chap. 4 et 5.
13 Cf. Pearson, L.B., Report of the Commission on International Development : Partners in Development, New York, Preager, 1970. Cette tradition d'assistance ne s'est pas démentie depuis. Au cours des années quatre-vingt, la Somalie est devenue le pays sous le Sahara le plus assisté de l'Afrique par tête d'habitant ; Smith S., op. cit., p. 14.
14 Cf. Hirsch J. L., Oakley R. B., op. cit., p. 11.
15 Cf. Brauman R., op. cit. ; Hirsch J. L., Oakley R. B., op. cit., p. 31.
16 Cf. Sahnoun M., op. cit., p. 20.
17 Cf. Smith S., op. cit., p. 137.
18 Statistiques américaines citées par Hirsch J. L., Oakley R. B., op. cit., p. 31-32.
19 Op. cit.
20 Marchal R., " Somalie : Autopsie d'une intervention ", Politique Internationale, n° 61, p. 191-208.
21 D'après Hirsch J. L., Oakley R. B., op. cit., p. 64, note 8. Les pays qui ont fourni un contingent sont l'Arabie Saoudite, l'Australie, la Belgique, le Botswana, le Canada, l'Egypte, les Emirats Arabes Unis, les Etats-Unis, la France, l'Inde, l'Italie, le Koweit, le Maroc, la Nouvelle-Zélande, le Nigéria, le Pakistan, la Suède, la Tunisie, la Turquie et le Zimbabwe. Roland Marchal cite le nombre de vingt-deux pays sans les énumérer, Marchal R., ibid, p. 198.
22 Cf. Hirsch J. L., Oakley R. B., op. cit.
23 Smith S., op. cit., chap. 7.
24 Un technical car était un véhicule 4 x 4 ou un petit camion sur lequel était monté une mitrailleuse lourde ou un canon de 105 sans recul. Roland Marchal, à qui on ne peut reprocher sa sympathie indue pour l'opération dirigée par les Américains, décrit ainsi les résultats de l'intervention de l'UNITAF, après l'adoption le 3 décembre 1992 de la résolution 794 de l'ONU : " Cette intervention, conçue sans analyse de la crise somalienne ni réelle stratégie politique (...), eut cependant un impact énorme sur les centres urbains. Du jour au lendemain, la population cessa de se sentir l'otage des hommes en armes et, malgré bien des problèmes, une normalisation fragile prit forme, autorisant avec le printemps les premières réhabilitations de bâtiments et la relance des activités commerciales ou des services " in Marchal R., " Les mooryaan de Mogadiscio. Formes de la violence dans un espace urbain en guerre ", Cahiers d'études africaines, vol. 33, n° 2, 1993, p. 317.
25 Soulignons que l'administration Clinton commença de se mettre en place à la mi-janvier, c'est-à-dire quelque six semaines après le début de l'opération "Rendre l'espoir", conçue et autorisée par l'administration Bush. Le conflit larvé qui divisa, dès le début de la présidence de Bill Clinton, le Président américain et le Secrétaire général de l'ONU, Boutros Boutros-Ghali, a pris par la suite un caractère ouvert, le Président Clinton s'opposant publiquement à l'octroi d'un second mandat de Secrétaire général à Boutros-Ghali.
26 Les résolutions 746 et 751 mentionnent toutefois le chapitre VIII de la Charte.
27 Voir à cet égard les conclusions de Miller L. L., Moskos C., " Humanitarians or Warriors ? Race, Gender, and Combat Status in Operation Restore Hope ", Armed Forces and Society, vol. 21, n° 4, 1995, p. 615-637.
28 Cité par J. L. Hirsch et R. B. Oakley, op. cit., p. 103, note 2, c'est nous qui traduisons.
29 CE-ONU, 1994, par. 44, c'est nous qui traduisons. Les belligérants somali, en particulier Aïdeed et Ali Mahdi, avaient signé à Addis Abeba des accords de cessez-le-feu et de désarmement des troupes en janvier 1993.
30 Ali Mahdi rendit tous ses véhicules armés aux Américains. Le général Aïdeed dissimula la plus grande partie des siens dans divers coins de la Somalie. Cf. Hirsch J. L., Oakley R. B., op. cit., p. 58.
31 Purnelle M., Une armée en déroute, Montréal, Liber, 1996, p. 161).
 
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Jean-Paul Brodeur , « Maintien et imposition de la paix en Somalie (1992-1995) - Partie 1 », Cultures & Conflits, 29-30, automne-hiver 1998,
[En ligne], mis en ligne le 16 mars 2006.
URL : http://conflits.revues.org/index686.html
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Auteur:
 

Jean-Paul Brodeur

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