L'Assemblée constituante somalienne, réunie depuis le 25 juillet à Mogadiscio, a adopté mercredi, malgré une tentative de double
attentat suicide, la nouvelle Constitution provisoire de la Somalie, étape cruciale du processus visant à y rétablir une autorité centrale.
Signe de la situation toujours instable en Somalie, et notamment dans la capitale, deux kamikazes ont été abattus alors qu'ils tentaient d'entrer dans l'enceinte de l'ex-académie de police abritant la Constituante, placée sous haute sécurité et gardée par les forces gouvernementales somaliennes et les soldats de l'Union africaine (UA).
Ils sont tout de même parvenus à se faire exploser, blessant un garde, sans toutefois perturber les travaux. L'attentat n'a pas été revendiqué dans l'immédiat, mais les insurgés islamistes shebab ont multiplié récemment
attentats et actions de guérilla à Mogadiscio et ailleurs en en Somalie, après d'importants revers sur le terrain militaire.
"Nous sommes très heureux que vous, membres de la Constituante, ayez achevé la procédure en votant pour la Constitution", a déclaré le Premier ministre Abdiweli Ali Gas, en s'adressant aux délégués.
Cette Constitution provisoire entre immédiatement en vigueur mais ne deviendra définitive qu'une fois adoptée par référendum.
Selon Mohamed Abdulkadir, un des 825 délégués de la Constituante désignés par des chefs coutumiers, l'avant-projet de texte qui leur avait été soumis a été adopté sans changement.
Il prévoyait l'instauration d'une République fédérale avec des lois compatibles "avec les principes généraux de la charia" (loi islamique), le pluralisme politique et la présence de femmes dans toutes les institutions nationales.
Le document mentionnait également que tous les citoyens, quels que soient leurs "sexe, religion, statut social ou économique (...) doivent avoir des droits et devoirs égaux devant la loi".
Le texte faisait en outre clairement du Somaliland une partie intégrante de la Somalie, alors que cette région auto-proclamée indépendante en 1991 refuse de participer au processus.
"A partir d'aujourd'hui, la Somalie est sortie de la période de transition", a estimé le Premier ministre, bien que le processus de normalisation politique en Somalie, parrainé par l'ONU, soit encore jalonné d'étapes.
Un collège de chefs coutumiers doit encore désigner les députés de la future Assemblée nationale, qui elle-même élira le chef de l'Etat, qui à son tour nommera un Premier ministre chargé de former un gouvernement.
La Constitution peut encore être amendée par la future Assemblée nationale et le référendum pour sa ratification devra être organisé d'ici la fin du mandat de quatre ans de celle-ci.
La fin, prévue le 20 août, du mandat du gouvernement de transition somalien (TFG) est perçue comme une étape-clé pour rétablir enfin une autorité centrale dans un pays sans gouvernement effectif depuis la chute du président Siad Barre en 1991 et livré depuis au chaos et à la guerre civile.
Les actuelles institutions de transition, en place depuis huit ans et soutenues par les pays occidentaux bien qu'accusées de corruption massive, ont été incapables, comme les précédentes, de rétablir un semblant d'autorité centrale dans le pays, que se partagent chefs de guerre, milices islamistes et groupes criminels.
Les insurgés islamistes shebab, bien que sérieusement affaiblis récemment par les pressions conjuguées de la force de l'UA épaulant les troupes du TFG, d'une part, et de l'armée éthiopienne entrée en Somalie en novembre, d'autre part, contrôlent encore de larges parts du centre et du sud somaliens.
"C'est un jour historique, aujourd'hui nous avons été les témoins de l'achèvement et de l'aboutissement d'une tâche à laquelle nous avons travaillé au cours des huit dernières années", s'est réjoui mercredi le ministre de la Constitution et de la Réconciliation, Abdirahman Hosh Jibril.
Dans la matinée, le représentant spécial de l'ONU en Somalie Augustine Mahiga avait fait état d'"informations troublantes" sur des "échange et de demande de faveurs, de pots-de-vin et d'intimidation" dans le processus de désignation des futurs députés.
"Nous ne pouvons pas permettre que des sièges parlementaires se transforment en marchandises à vendre ou mises aux enchères au plus offrant, au moment où nous tentons de reconquérir la véritable stature d'une nation somalienne digne et respectée", a-t-il estimé dans un communiqué.