Par : Gilles Raphel, pour http://lessakele.over-blog.fr/
Tout porte à le croire. La Corne de l’Afrique est un nid d’islamistes, de pirates, de milices radicales armées, de combattants étrangers et de guerres sans fin. Dans cette région du continent africain, la Somalie supporte l’ensemble de ces désastres et les informations qui nous parviennent confirment l’aggravation actuelle de la situation.
La Somalie est en guerre civile depuis 1991 et la chute par les armes du régime dictatorial de Syad Barré. Depuis, Al Queda avance ses pions dans ce pays en ruine.
Pour mémoire, en 1993, la milice Al-Itihaad Al-Islaami (liée à al Queda) abat deux hélicoptères et tue 18 soldats US, évènement connu sous la triste appellation "Black Hawk Down", elle commettra plusieurs attentats en Ethiopie voisine. En 2005 un rapport de l’ONU précise qu’elle dirige une quinzaine de camps d’entraînement au djihad. Peu après la milice islamiste d’origine égyptienne Al-Takfir Wal-Hijra développe sa branche somalienne, en particulier dans les villes de Mogadiscio et de Bosaaso. Elle dirige le camp d’entraînement terroriste islamiste de Raas Kaambooni. Ses liens ont été prouvés avec Al Qaeda et l’organisation d’Abou Moussab al Zarqaoui en Irak.
Al Qaeda est toujours présente dans les attentats d’août 1998 contre les ambassades américaines du Kenya et de Tanzanie, encore en 2002 contre l’hôtel Paradise au Kenya, puis dans la tentative ratée d’attaque au missile sol-air d’un avion de ligne israélien décollant de Mombasa (Kenya).
Depuis 2006, la milice islamiste Al Shabaab, liée à Al Qaeda, tente de prendre le pouvoir dans le pays. Elle y serait parvenue sans l’intervention armée de l’Ethiopie (2006 – janvier 2009) qui renversa le « gouvernement » des Tribunaux islamistes mis en place à Mogadiscio. A noter que, en juin 2006, Al Shabaab a expédié pas moins de 720 volontaires au Sud Liban pour soutenir le hezbollah lors de l’attaque défensive d’Israël.
Depuis le 7 mai dernier, la milice Al Shabaab alliée au groupe Hizbul Islam tente à nouveau de faire tomber le gouvernement transitoire en place de Sheikh Sharif Ahmed. L’attaque de Mogadiscio est si violente que, pour la première fois, les forces africaines de maintien de la paix en Somalie (Amisom), dépêchées par l'Union africaine (UA) sous la couverture d'un mandat des Nations unies (ONU), ont dû intervenir dans l’affrontement. Il est prouvé que des combattants étrangers participent aux actions d’Al Shabaab, venant du Tchad, du Kenya, du Soudan, d’Erythrée mais aussi et surtout du Pakistan !
Le Président somalien a accusé Al Qaeda de soutenir, d’entraîner, de financer et d’armer les milices islamistes Al Shabbab et Hizbul Islam, le Président du Parlement somalien, Sheik Aden Mohamed Nur « Madobe » en appelle à ses voisins pour une intervention étrangère dans le pays (il semble que l’Ethiopie ait déployé un demi-millier de ses soldats en soutien). Le Président kenyan s’inquiète d’une possible attaque des Shabbab, lancée sur son territoire en direction de Nairobi. Hillary Clinton promet à la Somalie une aide de 40 tonnes d’armement et de munition, le Président Obama déclare en juin, à Accra, devant le Parlement Ghanéen : "Nous encourageons la vision d'une architecture régionale de sécurité qui soit forte et qui puisse produire une force transnationale efficace quand il le faut. L'Amérique a la responsabilité de favoriser cette vision, pas seulement par les mots, mais par un soutien qui renforce les capacités africaines. Quand on a un génocide en cours au Darfour ou des terroristes en Somalie, il ne s'agit pas seulement de problèmes africains, ce sont des défis lancés à la sécurité internationale, et ils réclament une réponse internationale".
Pourquoi en sommes-nous de nouveau là avec Al Qaeda ?
La raison en est « simple », devant les attaques quotidiennes et meurtrières des drones américains au Sud de l’Afghanistan et à la frontière du Pakistan, Al Qaeda laisse progressivement cette guerre aux talibans et se retire dans une zone plus sûre. De plus l’ouverture d’un nouveau front serait bienvenue au moment où les troupes américaines et alliées quittent progressivement l’Irak et où la volonté politique est d’accentuer la pression armée sur l’Afghanistan.
Al Qaeda connait parfaitement la région, Ben Laden a vécu des années (1991-1993) au Soudan, elle est sur zone depuis 1990, des groupes terroristes ont fait allégeance à Al Qaeda dans l’ensemble du Sahel, de la Mer Rouge au Golfe de Guinée. L’accès à la mer des deux côtés du continent africain est une aubaine pour Al Qaeda, d’une part la voie ouverte sur le Moyen Orient et par là le Sud Caucase et l’Asie centrale, d’autre part, via l’océan Atlantique, la possibilité d’accroître le trafic de drogue et d’armement avec l’Amérique du Sud.
La question se pose donc aujourd’hui : la Somalie devient-elle l’Afghanistan, sera-t-elle talibanisée comme le fut l’Afghanistan en 1996 avec les résultats que l’on connait ? En pire, car la présence transcontinentale des terroristes liés à Al Qaeda n’en rend l’organisation que plus forte et capable d’actions d’envergure jamais réalisées encore.
Un mot final sur les liens entre la piraterie somalienne et Al Qaeda. Durant des années les experts se sont entendus pour afficher une absence de relations entre les prises de navires dans le golfe d’Aden et au large de la Somalie et la nébuleuse Al Qaeda, il semble que depuis deux années les choses aient évolué.
Nous avons noté ci-dessus l’intérêt pour Al Qaeda de posséder une puissance maritime ; en avril 2008, des sites islamistes, relais du message terroriste, ont publié un texte intitulé « Le terrorisme maritime, une nécessité stratégique ». Cela coïncide totalement avec l’accentuation des assauts et la témérité des pirates, nous ne sommes plus maintenant dans le brigandage …
De plus, Al Qaeda possèderait entre 15 et 23 navires, flottant sous pavillon yéménite, somalien ou du Tonga afin d’assurer en toute tranquillité son trafic d’armes, de drogues, ainsi que le transport de ses troupes.
Enfin, chasser les non-islamistes de la région est une volonté première d’Al Qaeda, sur terre comme sur mer actuellement, ainsi que couper les voies maritimes pétrolières et gazières.
Gilles Raphel