16/05/2012
Les images sont violentes. La passerelle d'un navire de commerce, des hommes armés, une embarcation qui s'approche et une fusillade. La scène se passe fin mars 2011 à bord de l'Avocet, un vraquier qui navigue au large de la Corne de l'Afrique. Le navire compte, à son bord, une équipe de protection privée de la société américaine Trident. La vidéo débute par une discussion tendue à la radio entre des hommes de l'équipe de protection privée. La caméra est vraisemblablement portée sur le chef d'équipe qui se trouve à la passerelle. Un autre homme en arme est posté sur l'aileron de passerelle. Dans une grande confusion, il se précipite à l'extérieur en ordonnant des « warning shots » , des tirs de semonce, sur l'embarcation. L'homme posté sur l'aileron tire à l'aide d'un fusil d'assaut de calibre moyen. Selon les images, il s'agit de tirs au but sur l'embarcation. Les tirs sont continus même après que l'esquif soit entré en collision avec la coque du vraquier. La vidéo s'arrête alors qu'un deuxième esquif semble être en vue.
Des questions sur les modalités de tirs
La vidéo a été récemment projetée lors d'un congrès rassemblant des acteurs du transport maritime, puis a été diffusée sur Internet via le site Liveleak. Et, depuis, elle fait débat dans le milieu du shipping, principalement anglo-saxon, grand client de la protection privée. Si l'angélisme n'a désormais plus de place dans une région reconnue comme étant l'une des plus dangereuses sur la planète, les uns et les autres commencent néanmoins à s'interroger sur ces équipes qui font florès ces dernières années. Sur le recrutement des hommes d'abord. Sur leur formation ensuite, et notamment sur leur analyse d'une situation sur l'eau, une partie des gardes embarqués n'étant pas nécessairement d'anciens marins militaires.
La vidéo interroge en tous cas sur la précipitation de l'action. Pourquoi ordonner des tirs de semonce alors que l'esquif est déjà si proche ? La cible n'avait-elle pas déjà été repérée au radar ? Quid des règles d'engagement ? Pourquoi ce feu nourri alors que la cible a déjà été neutralisée ? La nature de l'armement interpelle aussi des spécialistes. Pourquoi un fusil de moyen calibre, qui n'a pas une très grande portée (environ 300 mètres), quand des fusils mitrailleurs permettent de tirer plus loin, pour les coups de semonce ou simplement pour de la dissuasion ?
La version de la société privée
Dans une longue analyse, les journalistes spécialisés de Bloomberg ont interrogé de nombreux acteurs de ce milieu. A commencer par Thomas Rothrauff, le patron de la société de sécurité, qui précise que l'Avocet avait déjà été attaqué deux jours avant cette vidéo. Le navire, qui arrivait d'Europe, aurait fait l'objet de tirs de pirates. Ceux-ci auraient ensuite suivi l'Avocet pendant deux jours à bord d'un navire-mère, avec les esquifs prêts à être mis à l'eau. Le jour de l'attaque, l'Avocet se trouvait entre la Somalie et l'Inde. Les gardes, parmi lesquels se seraient trouvés d'anciens Navy SEALS (commandos marine américains), auraient effectué une veille radar continue durant ces 72 heures. Au moment de l'attaque, les hommes se seraient sentis menacés par la présence de lance-grenades à bord de l'esquif et auraient respecté la procédure en procédant à des tirs de semonce. Le patron de Trident affirme également que des tirs de Kalachnikov auraient été effectués depuis l'esquif. Et que les quatre hommes constituant l'équipe de protection ont tiré en même temps. Depuis, les règles internes de Trident ont été modifiées et, désormais, seul le chef d'équipe a le droit d'effectuer des tirs de semonce. Thomas Rothrauff assure enfin que cette action a été menée « complètement en accord avec les règles d'engagement en place ».
Pas de cadre légal pour encadrer l'action des équipes de protection privée
Il n'empêche que le doute est permis sur ce type de règles d'engagement. Selon la convention de Montego Bay, ces actions, menées en pleine mer, relèvent de l'Etat du pavillon. Ce serait donc à lui de les fixer puisque, selon le droit des conflits armés, elles relèvent de la souveraineté de l'Etat. Dans le cas de l'Avocet, immatriculé aux îles Marshall, les autorités du pavillon n'ont eu connaissance de l'incident qu'un an plus tard.
Dans le cas de la France, l'action des Equipes de Protection Embarquée (EPE) de la Marine nationale est encadrée par un décret ministériel. Mais il n'y a, en revanche, pas de cadre légal pour les gardes privés. Celui-ci est réclamé par le député Christian Ménard, appuyé par les armateurs, depuis plusieurs mois. Légalement, au niveau international, il n'existe que des « lignes directrices », avec une simple valeur de conseil, de l'Organisation maritime internationale (OMI). Et, même si la plupart des sociétés s'astreignent à des règles précises, certains, au premier rang desquels les assureurs, craignent de voir arriver des acteurs moins précautionneux attirés par la manne financière que représente la protection des navires. Il faut dire que l'augmentation du besoin sur ce marché est telle que les sociétés historiques et spécialisées, appliquant des procédures éprouvées, ne pourront sans doute pas subvenir à l'intégralité des demandes.
LA VIDEO VERSION COURTE SUR LE SITE DE BLOOMBERG (IMAGES VIOLENTES)
Des questions sur les modalités de tirs
La vidéo a été récemment projetée lors d'un congrès rassemblant des acteurs du transport maritime, puis a été diffusée sur Internet via le site Liveleak. Et, depuis, elle fait débat dans le milieu du shipping, principalement anglo-saxon, grand client de la protection privée. Si l'angélisme n'a désormais plus de place dans une région reconnue comme étant l'une des plus dangereuses sur la planète, les uns et les autres commencent néanmoins à s'interroger sur ces équipes qui font florès ces dernières années. Sur le recrutement des hommes d'abord. Sur leur formation ensuite, et notamment sur leur analyse d'une situation sur l'eau, une partie des gardes embarqués n'étant pas nécessairement d'anciens marins militaires.
La vidéo interroge en tous cas sur la précipitation de l'action. Pourquoi ordonner des tirs de semonce alors que l'esquif est déjà si proche ? La cible n'avait-elle pas déjà été repérée au radar ? Quid des règles d'engagement ? Pourquoi ce feu nourri alors que la cible a déjà été neutralisée ? La nature de l'armement interpelle aussi des spécialistes. Pourquoi un fusil de moyen calibre, qui n'a pas une très grande portée (environ 300 mètres), quand des fusils mitrailleurs permettent de tirer plus loin, pour les coups de semonce ou simplement pour de la dissuasion ?
La version de la société privée
Dans une longue analyse, les journalistes spécialisés de Bloomberg ont interrogé de nombreux acteurs de ce milieu. A commencer par Thomas Rothrauff, le patron de la société de sécurité, qui précise que l'Avocet avait déjà été attaqué deux jours avant cette vidéo. Le navire, qui arrivait d'Europe, aurait fait l'objet de tirs de pirates. Ceux-ci auraient ensuite suivi l'Avocet pendant deux jours à bord d'un navire-mère, avec les esquifs prêts à être mis à l'eau. Le jour de l'attaque, l'Avocet se trouvait entre la Somalie et l'Inde. Les gardes, parmi lesquels se seraient trouvés d'anciens Navy SEALS (commandos marine américains), auraient effectué une veille radar continue durant ces 72 heures. Au moment de l'attaque, les hommes se seraient sentis menacés par la présence de lance-grenades à bord de l'esquif et auraient respecté la procédure en procédant à des tirs de semonce. Le patron de Trident affirme également que des tirs de Kalachnikov auraient été effectués depuis l'esquif. Et que les quatre hommes constituant l'équipe de protection ont tiré en même temps. Depuis, les règles internes de Trident ont été modifiées et, désormais, seul le chef d'équipe a le droit d'effectuer des tirs de semonce. Thomas Rothrauff assure enfin que cette action a été menée « complètement en accord avec les règles d'engagement en place ».
Pas de cadre légal pour encadrer l'action des équipes de protection privée
Il n'empêche que le doute est permis sur ce type de règles d'engagement. Selon la convention de Montego Bay, ces actions, menées en pleine mer, relèvent de l'Etat du pavillon. Ce serait donc à lui de les fixer puisque, selon le droit des conflits armés, elles relèvent de la souveraineté de l'Etat. Dans le cas de l'Avocet, immatriculé aux îles Marshall, les autorités du pavillon n'ont eu connaissance de l'incident qu'un an plus tard.
Dans le cas de la France, l'action des Equipes de Protection Embarquée (EPE) de la Marine nationale est encadrée par un décret ministériel. Mais il n'y a, en revanche, pas de cadre légal pour les gardes privés. Celui-ci est réclamé par le député Christian Ménard, appuyé par les armateurs, depuis plusieurs mois. Légalement, au niveau international, il n'existe que des « lignes directrices », avec une simple valeur de conseil, de l'Organisation maritime internationale (OMI). Et, même si la plupart des sociétés s'astreignent à des règles précises, certains, au premier rang desquels les assureurs, craignent de voir arriver des acteurs moins précautionneux attirés par la manne financière que représente la protection des navires. Il faut dire que l'augmentation du besoin sur ce marché est telle que les sociétés historiques et spécialisées, appliquant des procédures éprouvées, ne pourront sans doute pas subvenir à l'intégralité des demandes.
LA VIDEO VERSION COURTE SUR LE SITE DE BLOOMBERG (IMAGES VIOLENTES)
URL Source : http://www.meretmarine.com/article.cfm?id=119628