mars 26, 2013
En 1991, le régime dictatorial de Siad Barré s’effondre, transformant la Somalie en entrelacs ingouvernables de fiefs de chefs de guerre rivaux. Le Conseil de sécurité de l’ONU adopte le 24 avril 1992 la résolution 751, instituant la première mission onusienne sur place : ONUSOM 1, dont la mission est principalement la protection des convois humanitaires. La résolution 794 du 3 décembre 1992 autorise la création de l’UNITAF (Forces d’Intervention Unifiées) par les états membres. Elle comptera jusqu’à 40000 personnels (dont 30 000 américains de l’opération Restore Hope) sous égide de l’ONU, mais sous commandement des Etats participants. La résolution 814 du 26 mars 1993 décide de la création de la mission ONUSOM 2 qui reprend les activités de l’UNITAF mais sous commandement ONU.
Préoccupés par la situation de la Somalie, les pays voisins, sous supervision de l’UA, organisent à Djibouti en mai 2000 la Conférence nationale de réconciliation somalienne, avec pour résultat la création du GFT. Mais ce n’est qu’à partir de 2006 que ce gouvernement réussira à siéger en Somalie, à Baïdoa. Au même moment commencent les affrontements entre les milices pro-gouvernementales et l’Union des Tribunaux Islamiques (UTI), milice islamiste qui devient le principal opposant au GFT. L’Ethiopie se décide à intervenir de plus en plus ouvertement en territoire somalien, à la fois par crainte d’une extension des combats sur son sol, mais aussi par volonté d’étendre son influence sur un Etat somalien encore bien trop faible pour s’opposer à son puissant voisin. Face aux demandes de ce dernier, l’UA accepte en janvier 2007 le déploiement d’une force de paix de l’UA avant que l’ONU ne prenne (en théorie) le relais : l’African Mission in Somalia (AMISOM).
Suite à des actions des milices islamistes sur le territoire kenyan, ce dernier décide d’une intervention militaire majeure à la mi-octobre 2011, avec des opérations ambitieuses mais rapidement stoppées dans le sud de la Somalie. L’Ethiopie profite de la diversion kenyane pour relancer le 25 novembre 2011 l’offensive dans le centre de la Somalie (2), après quelques atermoiements dus à sa première expérience mitigée en territoire somalien. Son implication dans le conflit est autant souhaitée que redoutée par les autres pays : son potentiel militaire en fait la première puissance militaire régionale. Des deux côtés, le but est de s’emparer de villes-clé, pour couper la milice islamiste de ses sources de financement et de sa base sociale. Les deux offensives ont des résultats mitigés, mais affaiblissent considérablement le groupe Al-Shabab en l’obligeant à se battre sur plusieurs fronts. Le fait que cette milice se revendique d’Al-Qaïda depuis début février 2012 est probablement le signe d’une perte de soutien populaire et d’un besoin urgent de renforts internationaux de la part de la « communauté terroriste ». La conférence internationale de Londres du 23 février 2012 est le premier signe d’un engagement international plus soutenu en faveur de la Somalie.
En parallèle, les forces éthiopiennes, en coordination cette fois avec l’AMISOM, mènent des offensives au centre du pays et capturent Baïdoa le 22 février 2012 (3). Les forces armées du Burundi, avec l’aide des forces ougandaises, reprennent la ville d’Afgoye le 24 mai 2012. Les forces kenyanes mènent de leur côté de manière autonome des offensives dans le Sud de la Somalie. Elles annoncent avoir capturé la ville d’Afmadow le 30 mai 2012 (4). LA vie politique somalienne poursuit elle son retour à une certaine normalité avec, le 10 septembre 2012, une nouvelle élection présidentielle, qui porte à la Présidence du pays Hassan Sheikh Mohamoud.
Pierre-Marie Meunier est l’auteur du blog Les Forges de Vulcain.
1Historique de l’opération AMISOM en date du 15 juillet 2010
2“Kenyan army hit by new IED as Ethiopia moves into Somalia”, Jane’s Defense Weekly, 25 novembre 2011
3“KDF emphasise long game in Somalia”, Jane’s Defense Weekly, 27 février 2012
4“AMISOM advances on two fronts in Somalia”, Jane’s Defense Weekly, 1er juin 2012
5“Somalia”, Jane’s World Armies, dernière mise à jour le 19 novembre 2012
6“AMISOM advances on two fronts in Somalia”, Jane’s Defense Weekly, 1er juin 2012
7“Kenyan troops formally join AMISOM”, Jane’s Defense Weekly, 7 juillet 2012
8“Uganda deploys helicopters to Somalia”, Jane’s Defense Weekly, 9 août 2012
9« The Kenyan military intervention in Somalia », International Crisis Group, Africa Report n°184, 15/02/2012
10« Kenyan forces take Kismaayo », Jane’s Defense Weekly, 5 octobre 2012
11Rapport du Général William E. Ward, Commandement militaire des Etats-Unis d’Amérique pour l’Afrique,
devant le comité des forces armées du Sénat, 9 mars 2010, pp. 39-40
Source : http://alliancegeostrategique.org/
Par Pierre-Marie Meunier. L’opération ratée de récupération de l’otage Denis Allex aura au moins été l’occasion de nous intéresser à nouveau au pays le plus emblématique du concept de failed-states. Rappel de l’histoire récente du pays.
En 1991, le régime dictatorial de Siad Barré s’effondre, transformant la Somalie en entrelacs ingouvernables de fiefs de chefs de guerre rivaux. Le Conseil de sécurité de l’ONU adopte le 24 avril 1992 la résolution 751, instituant la première mission onusienne sur place : ONUSOM 1, dont la mission est principalement la protection des convois humanitaires. La résolution 794 du 3 décembre 1992 autorise la création de l’UNITAF (Forces d’Intervention Unifiées) par les états membres. Elle comptera jusqu’à 40000 personnels (dont 30 000 américains de l’opération Restore Hope) sous égide de l’ONU, mais sous commandement des Etats participants. La résolution 814 du 26 mars 1993 décide de la création de la mission ONUSOM 2 qui reprend les activités de l’UNITAF mais sous commandement ONU.
Les Etats-Unis poursuivent de leur côté avec l’opération Gothic Serpent, dont le point culminant est la bataille de Mogadiscio du 3 et 4 octobre 1993. Les Etats-Unis retirent leurs troupes peu après et le mandat de l’ONUSOM 2 prend fin en mars 1995, laissant la Somalie sombrer dans l’anarchie pendant 5 ans.
Préoccupés par la situation de la Somalie, les pays voisins, sous supervision de l’UA, organisent à Djibouti en mai 2000 la Conférence nationale de réconciliation somalienne, avec pour résultat la création du GFT. Mais ce n’est qu’à partir de 2006 que ce gouvernement réussira à siéger en Somalie, à Baïdoa. Au même moment commencent les affrontements entre les milices pro-gouvernementales et l’Union des Tribunaux Islamiques (UTI), milice islamiste qui devient le principal opposant au GFT. L’Ethiopie se décide à intervenir de plus en plus ouvertement en territoire somalien, à la fois par crainte d’une extension des combats sur son sol, mais aussi par volonté d’étendre son influence sur un Etat somalien encore bien trop faible pour s’opposer à son puissant voisin. Face aux demandes de ce dernier, l’UA accepte en janvier 2007 le déploiement d’une force de paix de l’UA avant que l’ONU ne prenne (en théorie) le relais : l’African Mission in Somalia (AMISOM).
Cette décision est entérinée par le Conseil de sécurité via la résolution 1744 du 20 février 2007. Cette mission quin’atteindra jamais les effectifs prévus, est un demi-succès qui assure surtout le maintien d’un statu quo fragile. Le 21 aout 2007, L’ONU décide du premier prolongement de l’AMISOM, compte tenu de l’absence d’évolution du contexte sécuritaire. En septembre 2007, l’UTI se scinde en plusieurs mouvements dont certains négocient des cessez-le-feu avec le GFT. Le groupe armé Al-Shabab, issu de l’aile jeunesse radicale de l’UTI, décide lui de poursuivre la lutte contre le GFT. Le 15 janvier 2010, les forces armées éthiopiennes achèvent leur retrait de Somalie, où le rapport de force reste globalement inchangé entre GFT et le groupe Al-Shabab (1).
Suite à des actions des milices islamistes sur le territoire kenyan, ce dernier décide d’une intervention militaire majeure à la mi-octobre 2011, avec des opérations ambitieuses mais rapidement stoppées dans le sud de la Somalie. L’Ethiopie profite de la diversion kenyane pour relancer le 25 novembre 2011 l’offensive dans le centre de la Somalie (2), après quelques atermoiements dus à sa première expérience mitigée en territoire somalien. Son implication dans le conflit est autant souhaitée que redoutée par les autres pays : son potentiel militaire en fait la première puissance militaire régionale. Des deux côtés, le but est de s’emparer de villes-clé, pour couper la milice islamiste de ses sources de financement et de sa base sociale. Les deux offensives ont des résultats mitigés, mais affaiblissent considérablement le groupe Al-Shabab en l’obligeant à se battre sur plusieurs fronts. Le fait que cette milice se revendique d’Al-Qaïda depuis début février 2012 est probablement le signe d’une perte de soutien populaire et d’un besoin urgent de renforts internationaux de la part de la « communauté terroriste ». La conférence internationale de Londres du 23 février 2012 est le premier signe d’un engagement international plus soutenu en faveur de la Somalie.
En parallèle, les forces éthiopiennes, en coordination cette fois avec l’AMISOM, mènent des offensives au centre du pays et capturent Baïdoa le 22 février 2012 (3). Les forces armées du Burundi, avec l’aide des forces ougandaises, reprennent la ville d’Afgoye le 24 mai 2012. Les forces kenyanes mènent de leur côté de manière autonome des offensives dans le Sud de la Somalie. Elles annoncent avoir capturé la ville d’Afmadow le 30 mai 2012 (4). LA vie politique somalienne poursuit elle son retour à une certaine normalité avec, le 10 septembre 2012, une nouvelle élection présidentielle, qui porte à la Présidence du pays Hassan Sheikh Mohamoud.
Les principales forces en présence en Somalie à l’heure actuelle sont :
* Le Gouvernement Fédéral de Transition ou GFT, aidé et protégé par la mission de l’UA AMISOM. Le GFT peut compter en propre sur une force d’environ 10000 hommes (5). Mais sous-équipées et sous-entraînées, ces forces se cantonnent à des rôles de police dans les villes sous leur contrôle, même s’il des unités de forces spéciales, destinées aux opérations de contre-insurrection.
* La milice islamiste Al-Shabab, dont l’effectif n’est pas connu (certainement plusieurs centaines d’hommes et des milliers de « sympathisants »), mais dont le territoire se réduit à quelques villes dans le Sud-est de la Somalie. Bien qu’elle soit défaite lors des rares combats conventionnels, elle risque de rester une menace latente, en recourant de plus en plus à des méthodes terroristes. Elle est par exemple parvenue à monter une embuscade le 29 mai 2012 contre le convoi présidentiel se rendant de Mogadiscio à Afgoye (6). Elle est également à l’origine du triple attentant suicide à Mogadiscio le 12 septembre 2012.
* L’AMISOM, qui regroupe des éléments de l’Ethiopie, du Burundi, de l’Ouganda et du Kenya (depuis le 6 juillet 2012 (7)). L’AMISOM comptait à ses débuts environ 12000 hommes sur un total théorique de 17731 hommes, suite à l’approbation du Conseil de paix et de sécurité de l’UA le 5 janvier 2012 (décision confirmée par le Conseil de Sécurité de l’ONU le 22 février 2012). Elle se rapproche désormais de son maximum. Les forces ougandaises, fortes d’environ 6300 hommes, ont déployé en août 2012 des hélicoptères de combat MI-171 et MI-24 (8) (dont 3 se seraient crashés depuis). Les forces kenyanes comptent environ 4700 hommes (9). L’objectif affiché de l’AMISOM était la reprise de la ville de Kismayo, fief et principale source de revenus des milices islamistes. Ce fut chose faite entre septembre et début octobre 2012 (10).
* Et accessoirement les forces occidentales, principalement américaines (Combined Joint Task Force – Horn Of Africa basée au camp Lemmonier de Djibouti (11)) et françaises (5ème RIAOM de Djibouti) en plus des opérations de lutte contre la piraterie maritime (Opération UE NAVFOR Atalante).
Bien que des structures quasi-étatiques viables se soient développées dans la corne de l’Afrique, notamment dans les provinces du Puntland et du Somaliland, la Somalie est encore loin de ses objectifs de stabilité. Mais ce pays a donné l’occasion à l’Union Africaine de prouver ses capacités, lorsque les impératifs de sécurité sont en jeu.
Il aura certes fallu attendre que le conflit déborde sur une partie des Etats voisins pour les voir s’impliquer sérieusement. Quelques pays africains ont tout de même réussi, certes grâce aux financements de l’ONU et de l’UE, à réunir un contingent grossièrement équivalent à celui déployé par les Britanniques, les Allemands et les Français réunis, en Afghanistan. Ce n’est pas rien, même si l’efficacité de cette force sur le terrain est plus que discutable : pas de coordination, pas de commandement centralisé, pas d’objectifs clairs, et peu de résultats en contrôle de zone, alors que ses moyens sont très supérieurs à ceux des milices islamistes.
De plus, nous ne sommes pas encore réellement au fait des agendas politiques des uns et des autres. Mais malgré ses défauts, l’AMISOM pourrait être vue comme un exemple des opérations que peut mener l’UA en Afrique, parce que pour une fois, un problème africain est traité par les Africains. Passées au crible des critères militaires occidentaux, les opérations de l’AMISOM seraient loin d’être considérées comme des succès pleins et entiers, mais ce n’est pas forcément la priorité pour l’instant.
Pierre-Marie Meunier est l’auteur du blog Les Forges de Vulcain.
1Historique de l’opération AMISOM en date du 15 juillet 2010
2“Kenyan army hit by new IED as Ethiopia moves into Somalia”, Jane’s Defense Weekly, 25 novembre 2011
3“KDF emphasise long game in Somalia”, Jane’s Defense Weekly, 27 février 2012
4“AMISOM advances on two fronts in Somalia”, Jane’s Defense Weekly, 1er juin 2012
5“Somalia”, Jane’s World Armies, dernière mise à jour le 19 novembre 2012
6“AMISOM advances on two fronts in Somalia”, Jane’s Defense Weekly, 1er juin 2012
7“Kenyan troops formally join AMISOM”, Jane’s Defense Weekly, 7 juillet 2012
8“Uganda deploys helicopters to Somalia”, Jane’s Defense Weekly, 9 août 2012
9« The Kenyan military intervention in Somalia », International Crisis Group, Africa Report n°184, 15/02/2012
10« Kenyan forces take Kismaayo », Jane’s Defense Weekly, 5 octobre 2012
11Rapport du Général William E. Ward, Commandement militaire des Etats-Unis d’Amérique pour l’Afrique,
devant le comité des forces armées du Sénat, 9 mars 2010, pp. 39-40
Source : http://alliancegeostrategique.org/