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Somalie: succès relatif pour l'armée kényane après 4 mois d'offensive

 De Otto BAKANO (AFP)

NAIROBI — Quatre mois après être entrée dans le sud de la Somalie pour défaire les shebab, l'armée kényane assure avoir porté des coups sévères aux rebelles islamistes somaliens, mais sa seule puissance de feu supérieure ne devrait pas lui suffire à l'emporter, estiment les analystes.

Les gradés kényans affirment que les frappes aériennes et les offensives terrestres ont perturbé les circuits de financement des shebab et les ont chassés de villes-clés pour leurs activités économiques.

"Les shebab sont considérablement affaiblis", a assuré samedi à la presse le porte-parole de l'armée kényane, le colonel Cyrus Oguna, estimant que les forces kényanes avaient perturbé "75%" de leurs capacités de financement.

Les forces kényanes ont néanmoins peu progressé sur le terrain, 17 semaines après être entrées, le 14 octobre, dans le sud de la Somalie, la première opération militaire hors de leurs frontières depuis l'indépendance du pays en 1963.

Des soldats kenyans le 18 octobre 2011 près de Liboi à la frontière somalienne (AFP/Archives)

Leur avancée s'est enlisée dans la boue provoquée par des pluies abondantes, avant d'être ralentie par les tactiques de guérilla des shebab, qui se mêlent à la population civile avant d'attaquer.

"La stratégie militaire kényane, ainsi que sa stratégie politique, n'a pas donné grand chose jusqu'ici. Il y a eu un grand excès d'optimisme du côté kényan quant à un succès, et cela n'a clairement pas été le cas", a expliqué à l'AFP Rashid Abdi, analyste indépendant spécialiste de la Corne de l'Afrique. "Un plan militaire bien pensé est nécessaire, mais il doit être complété par une stratégie politique", a-t-il ajouté.

Sur le plan politique, le Kenya comptait faire du Jubaland - constitué des régions méridionales de Gedo et des Bas- et Moyen-Juba, hors du contrôle du gouvernement central somalien - une zone tampon, via la mise sur pied d'une force locale de sécurité et avait pour cela entraîné des Somaliens au Kenya.

Mais l'idée a fait chou blanc et le soutien occidental sous forme d'aide militaire, sur lequel comptait le Kenya s'est avéré, au mieux, modeste. "Les responsables kényans étaient sérieusement déconnectés de la façon dont le monde fonctionne s'ils sont partis en guerre sans les liquidités adéquates et comptaient sur la communauté internationale", a souligné J. Peter Pham, du centre de réflexion Atlantic Council.

L'International Crisis Group (ICG), un centre de réflexion, estimait de son côté en novembre que Nairobi devrait tempérer ses espoirs de défaite des shebab.

"La diminution des attentes doit commencer avec la réorientation de la mission vers un objectif modeste, réalisable en Somalie: amoindrir les capacités militaires des shebab et favoriser une solution négociée", écrivait ICG.

Les responsables kényans se sont d'ailleurs contredits à propos de l'objectif final de l'opération militaire, prendre Kismayo, ville portuaire du sud somalien, source de revenus indispensable pour les shebab, ou simplement sécuriser les zones frontalières du Kenya. "L'armée doit résister à la tentation de succès spectaculaires", avertissait ICG. "S'il est parfaitement logique militairement de viser le port de Kismayo (...) cela doit être fait de façon réfléchie et d'autres mesures, tels qu'un blocus économique - mais pas humanitaire - du port et la multiplication des fronts pour user les combattants, doivent être envisagées".

D'ores et déjà, l'Opération kényane "Linda Nchi" ("Protéger le pays" en swahili) a modifié la dynamique du conflit somalien, accroissant la pression sur les shebab, surtout depuis que l'Ethiopie a renvoyé des troupes en Somalie dans la foulée de l'offensive kényane.

Mais au delà de la simple opération militaire, Nairobi devrait avoir pour objectif de rétablir la stabilité en Somalie, dépourvue de gouvernement central depuis l'effondrement du régime de Siad Barre en 1991 et depuis soumis à la loi des chefs de guerre, des insurgés islamistes et des gangs criminels.

"Les kényans ont l'opportunité d'élargir leur objectif, qui ne devrait pas être seulement de créer un territoire tampon", a estimé Rashid Abdi. "Ils devraient tenter de stabiliser la Somalie dans son ensemble".


Source: http://www.google.com/hostednews/afp/article/ALeqM5g10LosULW0dzsZOkWeTV7ZjgjuYA?docId=CNG.89bdeb847f0470a60a2a90ea8ee02c3c.641

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