(BRUXELLES2, exclusif) « Sorry, j’avais oublié de vous dire, navré. Mais, bon, voila, nous ne pouvons pas approuver aujourd’hui cette décision ». C’est un peu ce qu’aurait pu dire l’ambassadeur britannique au Coreper, Jon Cunliffe, quand il a posé – ce qu’on appelle en termes diplomatiques – une « réserve d’attente » devant ses collègues des autres Etats membres sur la décision visant à prolonger la mission Eunavfor Atalanta, et à l’étendre géographiquement aux côtes somaliennes. Aucun justificatif n’a vraiment été donné si ce n’est la nécessité. Il n’y en a pas besoin. Ce qui semble sûr, et confirmé, c’est que les Britanniques n’ont pas de problème de principe, avec cette décision. Mais un petit état d’âme passager … Un peu comme quand on pose une « réserve parlementaire » pour ne pas se fâcher avec un parlement susceptible. Du coup, la décision européenne qui avait pourtant fait l’objet d’une discussion, au sein des ambassadeurs du Comité politique et de sécurité (COPS), puis d’une procédure de silence, et qui n’avait plus qu’un parcours tout à fait formel au Coreper, est suspendue jusqu’à nouvel ordre. Et elle ne pourra pas non plus être approuvée au prochain Conseil des ministres de l’UE vendredi. (lire aussi : Les Britanniques veulent attendre pour l’extension Eunavfor Atalanta).
Mais pourquoi ?
Un problème à Londres ?
On ne peut pas croire que l’ambassadeur, qui est par ailleurs l’ancien sherpa de David Cameron au G8 et coordinateur des affaires européennes au Cabinet du premier ministre durant plusieurs années ait oublié d’en parler au Cabinet… ou qu’il ait oublié que la Chambre des Communes existait. Ou que son collègue du COPS ne l’ait pas prévenu du travail déjà accompli depuis plusieurs semaines. Ou qu’il fait voulu « rendre service » (mauvais coup en anglais ) à la Haute représentante de l’UE, Catherine Ashton, qui avait prévu d’annoncer cette nouvelle lors du gymnich, la réunion informelle des Affaires étrangères, vendredi à Copenhague.
Des Britanniques devenus poltrons ?
On ne peut pas imaginer non plus que le Royaume-Uni soit opposé à avoir une attitude plus offensive contre les pirates somaliens. A plusieurs reprises, des officiels britanniques ont exprimé leur souhait, leur désir, leur volonté, d’avoir une action plus robuste. Le secrétaire d’Etat au Foreign Office, Henry Bellingham avait été particulièrement explicite devant la Chambre des Armateurs, le 12 octobre dernier : « This Government is 100% behind a more robust response to piracy, and we are glad to see the Royal Navy, EUNAVFOR and NATO leading the way. » (lire ici son speech). Et l’antienne d’une nécessaire action à terre a été repris à plusieurs reprises, en dernier lieu lors de la dernière conférence sur la Somalie à Londres, le 23 février. Faut-il préciser également que la commission des affaires étrangères de la chambre des Communes a eu un débat suivi de la publication d’un rapport (début janvier 2012) réclamant une action plus déterminée, notamment à terre.
… ou un peu lents à la détente
Certaines mauvaises langues pourraient toujours dire que les Britanniques songent à déployer au large de la Somalie leur navire amiral, de débarquement, l’HMS Ocean, comme le rapporte le populaire Daily Mail il y a quelques jours : « Mr Cameron has ordered plans be drawn up to deploy Apache helicopter gunships from helicopter carrier HMS Ocean against Somali pirates and terrorists. » Et celui-ci est un peu lent et aurait un peu de retard sur l’agenda prévu pour se trouver, in time, face aux côtes somaliennes. Ou alors l’équipage n’est pas tout à fait pour son nouveau Lipdub comme il nous avait gratifié au retour de mission l’année dernière (lire : De retour de Libye, en chantant), avec leur joyeuse reprise du tube de Mariah Carey, « All I want for Christmas Is You »
Un problème avec les Somaliens ?
On pourrait aussi se demander si les Somaliens ont bien approuvé cette initiative. Ne cherchez pas de ce côté là, c’est déjà fait. Il n’y a pas de problème. Le secrétaire général de l’ONU a déjà reçu la lettre d’acceptation du gouvernement fédéral de transition à ce que les bateaux européens pénètrent dans ces eaux.
Et si ce n’était ni Londres, ni en Somalie mais… à Bruxelles ?
La raison est peut-être tout simplement prosaïque et se nicherait à quelques kms du Justus Lipsius, le siège de l’Union européenne, mais bd Leopold III, au siège de l’OTAN. L’Organisation atlantique n’a pas encore en effet adopté une décision similaire pour son opération de lutte contre la piraterie, Ocean Shield. Le comité militaire se réunit seulement demain (jeudi) et la décision d’étendre Ocean Shield jusqu’à décembre 2014 devrait être entérinée – sauf problème supplémentaire – au prochain conseil de l’Alliance atlantique (NAC) mardi ou mercredi prochain (13 ou 14 mars). L’Alliance ne devrait cependant pas aller aussi loin que l’Union européenne. Le « même niveau d’engagement devrait être maintenu », précise un diplomate à B2. Il n’est pas ainsi prévu d’étendre sa zone d’action aux côtes et aux eaux territoriales ou de changer des règles d’engagements (qui sont déjà plutôt robustes, en témoignent les actions menées récemment par les navires britannique RFA Fort Victoria ou danois Absalon).
Selon nos informations. ce sont … les Américains qui n’ont pas souhaité une telle prolongation. Et plusieurs Etats de l’Alliance – qui participent déjà à la mission de l’UE – ont estimé que ce n’était pas non plus nécessaire de faire coup double. Voilà qui doit expliquer sans doute la « position d’attente » de nos « amis » Britanniques. Le Royaume-Uni – fidèle à sa préférence atlantiste – n’aurait tout simplement pas voulu à l’Union européenne une petite primeur aurait ainsi décidé de faire jouer son droit « d’attente », juste pour quelques jours ou quelques semaines, le temps que la grande soeur du bd Léopold III se mette au niveau.
Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que le Royaume-Uni use de ce superfuge…
(Maj) Un diplomate britannique que j’ai interrogé a démenti tout autre agenda caché. « Nous devons formellement soumettre cette demande à notre parlement, au comité chargé des questions européennes (European Scrutiny Committee). C’est une question de démocratie. Il ne s’agit pas de bloquer le processus. « D’autres que nous ont également ce processus » m’a-t-il précisé. Quant au calendrier, il n’y a pas encore de prévision, mais ce devrait être « rapide ». « Il n’y a pas d’agenda ni de stratégie cachée » a-t-il tenu à m’indiquer… On le croit ?
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