Vies précieuses et vies dévaluées
Le 6 octobre 1993, trois jours après le raid désastreux des troupes d'élite américaines contre l'hôtel Olympia, où elles espéraient prendre au piège les principaux dirigeants de la SNA (à l'exception du général Aïdeed), le Président Clinton annonçait que les troupes américaines quitteraient la Somalie dans moins de six mois (la date du départ définitif était fixée au 31 mars 1994). Ce scénario n'était qu'une répétition de la fin de l'intervention américaine au Liban que les Marines quittèrent précipitamment après un attentat-suicide, qui fit plus de deux cents morts parmi les troupes américaines. Il n'est pas d'opération de l'ONU qui fit autant de morts parmi les Casques bleus que celle de la Somalie. Nous l'avons déjà dit, du 4 mai 1993 au 25 mars 1994, soixante-huit Casques bleus sont morts et deux cent soixante-deux furent blessés. Du seul côté américain, trente soldats furent tués et cent soixante-quinze blessés. Dans une lettre datée du 11 février 1994, le général Aïdeed estima que treize mille Somaliens perdirent la vie par suite des attaques de l'UNOSOM II et que trois fois plus de personnes furent blessées. Il est sûr que le général Aïdeed n'est pas la source la plus fiable pour le nombre des victimes de l'UNOSOM II parmi les Somaliens, puisqu'il était lui-même le chef des opposants à l'UNOSOM. Il n'en reste pas moins que cette guerre fit un nombre disproportionné de victimes parmi les troupes de l'UNOSOM II, d'une part, et les Somaliens, d'autre part. Nous citerons à titre d'exemple quelques chiffres empruntés à l'ouvrage de J. L. Hirsch et R. B. Oakley1 , deux dirigeants américains en Somalie, qui sont peu susceptibles de gonfler les chiffres pour exagérer le nombre des victimes de la guerre du côté somalien.
- du 5 au 15 juin 1993, il y eut d'importants affrontements entre les forces de l'UNOSOM II et celles de la SNA. Ces affrontements firent plusieurs victimes parmi les Casques bleus et des centaines de victimes parmi les Somali2 ;
- le 12 juillet 1993, des hélicoptères de combat américains tirèrent sans avertissement seize missiles dans le dessein d'éliminer Aïdeed et ses principaux assistants. Ces tirs firent de douze à soixante-dix victimes parmi les Somaliens et la foule en colère tua quatre journalistes. Ni le général Aïdeed ni ses conseillers ne se trouvaient sur les lieux du raid aérien3 - du 5 au 15 septembre 1993, des affrontements entre les forces de la SNA et celles de l'UNOSOM II firent des douzaines de victimes dans les rangs des contingents italien, nigérian et pakistanais. Parmi les Somali, les victimes se sont chiffrées par centaines4 ;
- à cette même époque les Rangers et les commandos de la Delta Force se sont livrés à des opérations de ratissage, à la suite desquelles, non seulement beaucoup de Somali sans lien avec la SNA, mais aussi des travailleurs des ONG furent arrêtés, détenus et relâchés après une captivité relativement longue ;
- au cours du raid du 3 octobre 1993 qui fut le tournant ultime de la guerre, dix-huit soldats des troupes d'élite des Etats-Unis furent tués (et soixante-dix-huit blessés) dans une tentative pour capturer la haute direction de la SNA réunie à l'hôtel Olympia. Le nombre des morts américains contraignit le Président Clinton à revoir la politique américaine et à ordonner le départ du contingent américain pour le 31 mars 1994. On n'a pas mentionné que les pertes somaliennes lors de ce raid s'élevèrent entre 500 et 1 000 blessés ou tués5 .
Ces exemples pourraient être multipliés. La mort des Africains ne sollicite la presse internationale que lorsqu'elle se produit en masse, alors que celle de tout Casque bleu fait l'objet d'un reportage dramatique, à condition que ce dernier appartienne à un contingent provenant d'un pays industrialisé. Qui se préoccupe des Casques bleus du Bangladesh, du Botswana ou du Zimbabwe, dont la misère se compare à celle des habitants des pays du continent africain où ils sont déployés ? Le poids d'une vie semble se mesurer à l'aune de la sophistication des équipements militaires avec lesquels cette vie fut en symbiose. C'est ainsi qu'à la bourse médiatique du deuil, un pilote d'hélicoptère vaut bien plus qu'un artilleur et que la mort d'un aviateur est magnifiée par le coût de l'engin qu'il pilotait. Dans ce décompte, la vie d'un mooryaan (jeune mercenaire/pillard) de Mogadiscio n'affleure que de façon très irrégulière à la surface de la conscience de la presse.
Des schèmes conceptuels à revoir
L'une des conclusions majeures à laquelle conduisent les analyses effectuées dans notre seconde partie est le grave déficit des opérations sur le terrain par rapport à la profusion théorique des variantes du maintien de la paix qui sont élaborées dans les cercles académiques, diplomatiques et bureaucratiques dans la mouvance de l'ONU. En conséquence, les opérations sont conduites toutes variantes confondues ; elles ne sont pas régies par des lignes directrices précises et comportent une part considérable d'improvisation. Les lacunes sont particulièrement manifestes lorsque les opérations de l'ONU - et de façon plus spécifique celles de Somalie - sont mesurées à l'étalon exigeant de l'usage de la force. Cette conclusion rejoint celle de H. Wiseman sur l'" ad-hocratie " qui prévaut dans la planification et l'exécution des opérations de maintien de la paix de l'ONU6 . Il est impérieux, surtout à l'heure actuelle, de dépasser ce règne désuet de l'ad-hocratie. Dans la dernière partie de ce texte, nous nous proposons de soumettre à l'examen quelques modèles qui ont été élaborés pour structurer la réflexion sur le recours institutionnel à la force. Il va sans dire que notre entreprise est essentiellement exploratoire et que son premier mérite est d'insister sur la nécessité de dépasser le stade incubateur des travaux sur le recours à la force. Ceux-ci sont encore trop fragmentaires pour même ambitionner de constituer un chantier homogène.
Force minimale et force nécessaire : ethos constabulaire et ethos militaire7
Les références à l'action policière sont très nombreuses dans les écrits sur le maintien de la paix8 Les Casques bleus sont souvent décrits comme une force internationale d'intervention policière, le concept même de maintien de la paix occupant une place privilégiée dans la réflexion sur la police9 . Le terme de gardien de la paix, qui est souvent employé pour décrire les Casques bleus en mission, est rigoureusement synonyme de celui de policier.
Charles Moskos, un des pionniers de la sociologie des forces armées, a tenté de conférer un statut plus théoriquement élaboré à cette analogie entre la police et le maintien de la paix dans le cadre d'opérations de l'ONU. Il a administré un questionnaire aux Casques bleus en poste à Chypre dans les années soixante-dix. Il leur était demandé en particulier de répondre aux deux questions suivantes :
- Est-ce qu'un officier qui a bien développé ses habiletés militaires à travers son entraînement et qui exerce un solide leadership dans l'armée à laquelle il appartient a encore besoin de capacités additionnelles pour accomplir son service de gardien de la paix ?
- Est-ce qu'un soldat peut être efficace dans son travail de maintien de la paix s'il ne peut utiliser la force que dans des situations d'autodéfense ?
Charles Moskos a constaté que les réponses de son échantillon variaient en nombre presque égal. Un pourcentage de 51 % des soldats composant l'échantillon répondirent par l'affirmative à ces deux questions ; Moskos fit l'hypothèse qu'ils adhéraient à un ethos constabulaire, qui se caractérise par la volonté de recourir à l'emploi minimal de la force dans les actions de maintien de la paix. Un pourcentage de 49 % des membres de l'échantillon répondirent par la négative aux deux questions. Moskos les rangea dans la catégorie de ceux dont l'ethos est de type militaire, qui se caractérise par une solide croyance dans l'emploi de toute la force nécessaire (et suffisante) dans le cadre d'une opération. Charles Moskos a proposé cette distinction entre deux types d'ethos dans de nombreuses publications, mais il ne nous semble pas qu'il en ait développé toutes les implications10 . Elle recouvre en effet beaucoup plus qu'une simple différence d'opinion sur les modalités du recours à la force dans le cadre d'une intervention de l'ONU. Nous n'en présentons ici que les éléments nous paraissant essentiels et qui nous permettront de lancer un débat. Il semblerait au premier abord que les concepts de force minimale et de force nécessaire ne soient pas véritablement en opposition. Si toute la force nécessaire est employée au cours d'une opération, mais rien de plus que le nécessaire, on pourrait être tenté d'en déduire que seule la force minimale a été utilisée. On dira alors que s'en tenir au strict nécessaire coïncide avec s'en tenir au minimum requis.
Ces remarques comportent une grande part de justesse, mais elles demeurent relativement abstraites. Leur caractère abstrait peut être révélé au moyen d'une brève comparaison entre opérations policières et opérations militaires dans le cadre de certains des paramètres fondamentaux du maintien de la paix et de la sécurité.
L'espace
Les constables (les policiers) opèrent en général sur un espace physique et social fortement homogène : les endroits où ils doivent intervenir figurent comme des points - et, plus rarement, comme des îlots - dans cet espace. Lorsque les policiers interviennent en un point, les témoins de leur intervention se posent plutôt en spectateurs qu'en militants et expriment rarement leur hostilité, pour autant qu'elle existe, par des comportements ouverts. C'est précisément quand la police doit intervenir dans des îlots où leur point spécifique d'intervention est entouré par un espace peuplé de gens hostiles (par exemple, dans une banlieue chaude) que son action tend à se militariser.
L'espace guerrier où opèrent des militaires en campagne est profondément différent de l'espace policier en ce qu'il est partagé par une (ou plusieurs) ligne(s) de front ; de chaque côté de ces lignes de front, des parties ennemies et identifiées comme telles par leurs uniformes se font face. L'existence d'une ligne de front signifie que la violence sévit ou est susceptible de sévir de manière systématique dans sa proximité. Elle signifie aussi que la quantité de force à utiliser sur le front est une question qui a cessé de se poser. Cette question a en effet été résolue, de façon délibérée ou adventice, par la déclaration d'un conflit dont la logique de domination ne commande plus de calibrage dans l'intensité de la force utilisée, sinon celui qui est dicté par des considérations stratégiques. Lorsqu'une guerre est déclarée, le recours à la force cesse d'être un ressort ultime pour devenir un moyen machinal. On s'installe en permanence dans la violence jusqu'au terme du conflit, la question de recourir au moyen ultime ayant été tranchée une fois pour toutes par la déclaration de la guerre. Cette brève analyse montre que les notions de force minimale et de recours ultime se recoupent différemment selon qu'elles sont appliquées dans un contexte policier ou militaire.
L'espace des opérations internationales de maintien de la paix est hybride. Ses propriétés se composent à partir des deux modes précédents d'organiser l'espace d'intervention. Il n'y a généralement pas de ligne de front, bien que le pays d'intervention soit habituellement morcelé en zones où un groupe - le plus souvent une ethnie - est dominant ; ce groupe est aussi le plus souvent partie au conflit que doit conjurer la force d'intervention. Cela signifie que les gardiens de la paix ne peuvent généralement pas s'en remettre à la neutralité des populations qui les entourent, lorsqu'ils interviennent en un point particulier ; tous ces points s'épanchent en des îlots où ils peuvent rester pris au piège. Le caractère original du champ d'intervention des forces du maintien de la paix peut être clairement mis en lumière par les résistances parfois invincibles qu'il oppose à l'action policière, au sens étroit du terme, de ces forces. L'arrestation de quelqu'un dont la tête est mise à prix, comme le général Aïdeed, ou qui a fait l'objet de l'émission d'un mandat d'arrêt international pour crime de guerre, comme M. Radovan Karadzic ou le général Mladic dans l'ex-Yougoslavie, relève en théorie de l'opération policière la plus banale, à savoir l'arrestation d'un suspect. Or, on sait qu'en Somalie les tentatives pour se saisir du général Aïdeed ont non seulement échoué mais qu'elles ont fait un nombre très élevé de victimes. Il est prévisible qu'une opération pour s'emparer de Radovan Karadzic ou du général Mladic requerrait un déploiement de force massif et provoquerait un bain de sang dans l'ex-Yougoslavie.
Le temps
Le temps est un paramètre clé pour l'emploi de la force minimale, comme le révèle l'expression même de l'utilisation de la force en dernier recours, qui fait explicitement référence au temps. En réalité, comme le montrent un grand nombre d'opérations policières comme les prises d'otages ou le contrôle de foule, la quantité de force qui sera employée dépend, souvent directement, du temps dont on dispose pour s'autoriser d'être patient. Il se peut qu'une opération n'utilise que la force qui était strictement nécessaire (la neutralisation du preneur d'otage(s) par un tireur d'élite) sans toutefois que l'on puisse dire que seule la force minimale a été employée : si l'on avait disposé de plus de temps ou de patience, le preneur d'otage se serait peut-être éventuellement rendu et aurait libéré ses otages.
Toutes les opérations policières ne connaissent pas cet heureux dénouement et nous nous garderons de brosser un portrait idyllique de l'intervention des constables. Nous désirons toutefois insister sur le fait que la différence entre l'obligation de recourir à la force, fût-ce de façon ultime, et la capacité de résoudre une situation sans aucune dépense de force armée dépend, souvent de façon décisive, du temps dont on dispose. Nous plaidons donc pour la constitution d'une phénoménologie de la pratique de notions telles que la force minimale, la force nécessaire et la force excessive, telles qu'on peut tenter de les mesurer dans des contextes concrets, où la nature de l'espace d'intervention et le temps disponible sont des éléments définissants d'une situation. La place de l'urgence dans le cadre d'opérations de maintien international de la paix n'a jamais été empiriquement étudiée. Une telle étude révélerait plusieurs cas de figure, amenant à distinguer entre un usage précipité ou prématuré de la force, entre un usage opportun de celle-ci et entre, enfin, la réticence indue à en user, quand un tel recours à la force était non seulement légitime, mais aurait permis d'épargner des vies.
La puissance des armes
La puissance des armes est également un facteur déterminant pour une tentative d'élaborer le type d'ethos qui convienne aux opérations de maintien de la paix. La plupart des dilemmes que rencontrent les policiers en rapport avec l'usage de la force meurtrière se posent en relation avec l'utilisation de leurs armes à feu. Or, il faut à cet égard être conscient qu'une opération de maintien de la paix - surtout lorsqu'elle est autorisée par le chapitre VII de la Charte de l'ONU - repose sur l'utilisation d'armes telles que des blindés, des pièces d'artillerie, des hélicoptères de combat et des chasseurs-bombardiers. Le moins que l'on puisse faire avec un canon, un hélicoptère de combat ou un chasseur-bombardier est de tirer un obus, de mettre à feu un missile et de larguer une bombe. Même si dans tous ces cas on use de la quantité minimale d'explosifs qu'il est possible d'utiliser avec ces armes, on ne saurait s'aveugler sur le fait que les munitions utilisées par un fusil, un canon, un hélicoptère et un chasseur-bombardier sont de puissance très inégale. Il serait absurde de rassembler sous un même concept de force minimale le recours à une seule balle, un seul obus, un seul missile ou une seule bombe, ces unités n'étant d'aucune façon équivalentes.
L'évolution d'un conflit armé
Nous mentionnerons en dernier lieu que l'imprévu occupe une place souvent décisive dans l'évolution d'un conflit armé. Tant qu'on n'a pas fait feu, on peut continuer de croire qu'on contrôle étroitement une situation. Même dans le domaine policier où les conflits armés demeurent de très faible intensité, des incidents regrettables et souvent non intentionnels se produisent. Leur occurrence s'explique la plupart du temps par la difficulté à maîtriser les événements après que l'engrenage de la violence se soit enclenché.
Cette difficulté est maximale dans un état de guerre. On a mal mesuré son étendue dans les opérations de maintien de la paix. La pointe des analyses que nous avons esquissées sur la question du développement d'un ethos constabulaire pour les gardiens de la paix de l'ONU tient dans les questions suivantes :
(i) Quelles sont les conditions environnementales, sociales et politiques qui nous permettent d'exiger que l'intervention policière utilise la force minimale, la plupart du temps définie comme défense de sa propre vie et de celle de ses concitoyens, en péril immédiat ? Par exemple, l'une de ces conditions fondamentales est l'existence d'un Etat de droit.
(ii) Même en concédant d'emblée que ces conditions ne sont pas toujours reproduites dans le contexte où doit intervenir une force multinationale de maintien de la paix, y a-t-il suffisamment d'analogies avec ces deux types de contextes pour que l'on impose aux forces de l'ONU une obligation de moyens similaire à celle qui est faite aux forces policières dans le contexte d'une démocratie ? (On ne peut présumer de la réponse à cette question).
(iii) Dans le cas d'une réponse satisfaisante à la première question et positive à la seconde, quel serait le contenu de cette obligation de moyens imposée aux forces de maintien de la paix ?
L'usage de la force : Max Weber revu par William Ker Muir
Le penseur exemplaire de l'usage légitime de la force par l'Etat est le sociologue allemand Max Weber. L'un des disciples les plus originaux de Max Weber est l'Américain William Ker Muir11 , qui a appliqué à l'usage de la force par la police américaine un modèle construit à partir de l’œuvre de Max Weber12 . Ker Muir interprète l'oeuvre de Weber d'une façon qui lui est propre et qui pourrait être contestée par des disciples de Weber d'obédience différente. Nous n'allons pas engager un débat hors de propos sur la conformité de l'interprétation de Ker Muir à la lettre de la sociologie de Weber. En effet, indépendamment de sa fidélité à Weber, la construction théorique de Ker Muir se suffit à elle-même de par son intelligence. Il est toutefois utile de se référer à Weber pour éclairer certains aspects moins transparents de la pensée de Ker Muir.
William Ker Muir a élaboré sous la forme classique d'un tableau croisé une typologie de l'usage de la force par un service de police américain (celui de la petite ville de Laconia, en Géorgie). Le modèle de Ker Muir a été reçu comme un paradigme pour réfléchir à l'usage de la force par la police13 .
Le modèle de Ker Muir comporte deux dimensions, qui sont à leur tour dichotomisées et croisées. Ces deux dimensions sont celles-ci :
(i) La capacité de procéder à une intégration morale de l'usage de la coercition. On aura reconnu le thème fondamental de la pensée politique de Weber, l'homme politique étant défini comme celui qui s'est moralement réconcilié avec la nécessité de recourir à la force. Ker Muir distingue à cet égard deux catégories d'hommes politiques (en l'occurrence, de policiers) : ceux qui ont réussi à s'accorder de façon tant psychologique que sociologique avec le recours à la force et ceux qui ont échoué dans cette tâche. Il distingue ainsi les policiers qui voient le recours à la coercition d'une façon moralement intégrée et ceux qui vivent ce recours d'une manière conflictuelle ou dissociée.
(ii) Cette première dichotomie est classique. La seconde est plus difficile à expliquer, du moins à première vue. Ker Muir distingue entre les usagers de la force dont la perspective existentielle est tragique et ceux dont la perspective est cynique. Cette distinction s'éclaire à la lumière du texte de Max Weber et correspond pour l'essentiel à la distinction entre le bureaucrate et le militant de terrain. Dans son texte sur le métier et la vocation d'homme politique, Max Weber nous parle d'" une spécialisation de l'éthique (qui) permit à la morale hindoue de faire de l'art royal de la politique une activité parfaitement conséquente, soumise à ses seules lois, toujours plus consciente d'elle-même "14 . Weber continue en se référant à un traité de politique hindou rédigé avant l'ère chrétienne, et par rapport auquel, le Prince de Machiavel serait " un livre inoffensif ". La pensée de Weber est limpide et elle éclaire celle de Ker Muir : il y a des hommes politiques qui pratiquent leur métier comme un art qui trouve en lui-même ses raisons, sans se préoccuper des conséquences extérieures de leur action sur les gens dont ils devraient avoir souci. Coupés des retombées de leurs décisions, ils sont devenus des esthètes ou des cyniques de la politique. A l'opposé, l'homme politique conscient de la pâte tragique de l'existence est préoccupé des effets de son action sur ceux qui en éprouveront les effets15 . En croisant ces deux axes - intégration morale de l'usage de la force et conscience authentique des effets sur l'autre de l'action politique/policière -, Ker Muir parvient à générer quatre catégories applicables à l'action policière, que nous appliquerons nous-même à la situation somalienne (nous indiquons après notre traduction la terminologie originale de Ker Muir).
- Les professionnels (professionals). Cas de figure +/+ : morale de la coercition intégrée/conscience vraie des effets de son application. Cette catégorie constitue le cas de figure idéal et il est évidemment impossible de lui assigner des actions dans le ratage général des interventions en Somalie. Néanmoins, le début de l'intervention de l'UNITAF et des différents contingents qui la composèrent (décembre 1992-janvier 1993) pourrait peut-être rentrer dans cette catégorie.
- Les mercenaires (enforcers). Cas de figure +/- : morale de la coercition intégrée/conscience fausse de son application. Cette catégorie rassemble une grande partie des contingents de l'UNOSOM II (et de l'UNITAF), en particulier ceux qui ne subirent pas ou peu de pertes (les Américains, au début de leur intervention, les Belges, les Canadiens de l'UNITAF, les Italiens).
- Les vindicatifs (reciprocators). Cas de figure -/+ : morale de la coercition dissociée/conscience vraie de son application. Cette catégorie rassemble plusieurs contingents de l'ONU et de façon plus particulière les Pakistanais. Ceux-ci se retinrent d'abord de toute action coercitive en suivant les RED de l'UNOSOM I et se livrèrent, de façon compréhensible, à des actions de représailles, après l'attentat contre les membres de leur contingent. Le cas exemplaire de cette catégorie demeure les Américains. Rigidement disciplinés à l'intérieur de l'UNITAF, leur action dégénéra vers une violence répressive sans mesure, après que plusieurs de leurs compatriotes furent tués ou blessés.
- Les embusqués (avoiders). Cas de figure -/- : morale de la coercition dissociée/conscience fausse de son application. Il s'agit ici du cas paradigmatique des personnes qui " ne veulent pas d'ennuis ", et qui sont sans passion ni coup d'oeil, pour emprunter les termes de Max Weber. De toutes nos catégories, c'est la plus passive et celle dont les membres sont les moins performants. Les fonctionnaires civils de l'ONUSOM II, qui s'abattirent sur Mogadiscio à partir d'avril 1993 comme un ciel de locustes, appartiennent sans grande distance à cette dernière catégorie. Lorsque les circonstances sont défavorables à toute forme d'intervention ou lorsqu'elles sont perçues comme telles - par exemple en Bosnie ou au Rwanda -, les Casques bleus se voient souvent accoler le stigmate d' "embusqués " (les " Schtroumpfs " de l'intervention internationale.
Cette taxinomie est à plusieurs égards déficiente. En dépit de ses lacunes, elle peut nous servir à mettre en lumière certains phénomènes caractéristiques des opérations de maintien de la paix, si on la développe davantage. Elle demeure une typologie classique pour les recherches sur la police.
Les conflits de rôle
Il est deux positions dans le tableau croisé que nous venons de présenter sous une forme narrative, qui méritent une attention particulière. Il s'agit des deux positions marquées par une dissymétrie, soit celles occupées par les mercenaires et par les vindicatifs. Ces deux attitudes, qui sont générées par un conflit de rôle, sont susceptibles d'affliger deux types différents de soldats. Les soldats d'élite, caractérisés par leur expertise du recours à la force, risquent de se muer en mercenaires. Par leur métier, ils sont suffisamment réconciliés avec un ethos de l'usage de la force pour en venir à considérer ses effets de façon dépassionnée et abstraite. Dans un cadre comme celui de l'UNITAF et de l'UNOSOM II, ils éprouvent de manière aiguë un conflit de rôle professionnel, percevant de façon de plus en plus confuse pourquoi ils ont été déployés dans un contexte où l'on a multiplié les règles qui entravent leur action. Un conflit de rôle d'une nature différente est éprouvé par les soldats des unités régulières, qui ne souhaitent pas d'emblée en découdre avec ceux qu'ils ont pour mission de policer. Lorsque leurs compatriotes sont les victimes d'un attentat ou d'une embuscade, ces troupes vivent de façon dramatique le divorce entre leur engagement humanitaire et leur statut potentiel de combattants. Leur désir de vengeance est alors décuplé par leur acquiescement initial aux normes limitant leur usage de la force et qu'ils perçoivent à la suite d'un incident impliquant la mort de leurs camarades comme ayant été coupable.
Les pires cas de conflit professionnel se produisent lorsque deux dissociations de rôle se confondent. Les troupes d'élite américaines déployées en Somalie avaient d'abord parfaitement intégré la morale de l'intervention armée. Lorsque leurs camarades furent tués, ils passèrent à l'action en alliant l'expertise du mercenaire à la passion du vengeur, l'imposition de représailles s'accompagnant souvent d'un sens profond de culpabilité. Ce mélange produit un résultat particulièrement létal, tant pour les soldats que pour ceux qu'ils perçoivent comme leurs adversaires.
Une doctrine alternative de l'usage de la force
Bien que la doctrine de l'emploi minimal et en dernière instance de la force soit en quelque sorte - avec toutes les lacunes qu'elle comporte - la doctrine officielle de l'ONU, d'autres doctrines ont été proposées. L'une des plus citées est la doctrine Weinberger-Powell, du nom de Caspar Weinberger, l'ancien Secrétaire à la défense des Etats-Unis sous les Présidents Reagan et Bush, et de celui du Général Colin Powell, le chef des chefs de l'armée américaine (Chairman of the Joint Chiefs of Staff) pendant l'opération Desert Storm contre Saddam Hussein16 .
Cette doctrine, qui se résume pour l'essentiel à une variante de la stratégie de la carotte et du bâton, comporte quatre éléments. Le premier de ces éléments est le déploiement d'une force propre à subjuguer (overwhelm) l'adversaire s'il adopte une stratégie de confrontation. Les deux éléments suivants tiennent de la capacité de convaincre : l'adversaire potentiel doit être convaincu que les intentions premières de la force d'intervention ainsi déployée sont essentiellement pacifiques et de l'ordre du maintien de la paix ; il doit simultanément être persuadé que la force d'intervention n'aura aucune hésitation à user de sa puissance de feu si le maintien ou l'imposition de la paix s'avère impossible à réaliser. Finalement, cette stratégie implique que les objectifs poursuivis par les gardiens de la paix soient en nombre limité et précisément définis, l'adversaire devant être capable de percevoir sans équivoque ce que l'on cherche à obtenir de lui. En somme, cette stratégie consiste à contraindre l'autre partie à accepter un compromis en la menaçant d'un conflit qu'elle sait ne pouvoir gagner et qui lui causerait de lourdes pertes dans un délai accéléré. Comme toutes les stratégies qui reposent sur la dissuasion et sur l'intimidation, celle-ci présuppose un interlocuteur assez rationnel pour percevoir sa faiblesse et son intérêt à accepter une solution de compromis. Or, de nombreux conflits, comme la guerre du Golfe, ont fait la preuve que cette rationalité n'était pas toujours présente parmi les acteurs d'une confrontation ou bien qu'ils ne se trouvaient pas dans une situation pour pouvoir l'exercer à leur guise.
Quelques conclusions
En soumettant " quelques conclusions ", au lieu de la somme des conclusions auxquelles on peut s'attendre au terme d'une étude, nous désirons souligner que notre parcours n'est pas celui d'une démonstration. Ce que nous avons découvert tient davantage à l'existence d'insuffisances et d'incertitudes, là où semblait se trouver un savoir. Nous soumettrons brièvement quelques remarques sur les lacunes que nous avons constatées.
La dérive des opérations (UNOSOM I, UNITAF et UNOSOM II)
Nous nous sommes abstenus de produire une analyse détaillée de ces opérations, de telles analyses réclamant une attention au détail que nous ne pouvions nous permettre sans étendre indûment les limites de cette étude. Nous donnerons une indication de l'amplitude du domaine qui devrait être couvert par ces analyses, en citant deux thèmes qui peuvent être considérés comme des charnières de ce chantier de recherche. Au plus près du terrain, il y aurait eu lieu d'examiner à fond le rôle joué par la consommation d'alcool et de drogue, tant du côté des gardiens de la paix que de celui des factions somaliennes17 . Le problème dont il faudrait s'efforcer de mesurer l'ampleur, pour ce qui est des contingents de l'UNITAF et de l'UNOSOM, est que la discipline a été suffisamment relâchée pour laisser sévir à grande échelle des problèmes de toxicomanie.
Sur un registre plus éthéré, on citera les problèmes de coordination des divers contingents qui ont composé l'UNITAF et l'UNOSOM II. Ces problèmes prennent leurs racines dans la hiérarchie implicite qui ordonne les pays membres de l'ONU : les pays membres du G-7, en particulier les Etats-Unis, ne veulent relever que de leur propre gouvernement, alors que les autres sont soumis aux caprices conjoints du Conseil de Sécurité de l'ONU et des pays dont le poids politique est plus lourd. Il en résulte une déconcertation profonde dans les opérations, qui fait des victimes sur le terrain18 .
L'essoufflement de la doctrine du maintien de la paix
Le nombre croissant des opérations de maintien de la paix a donné lieu à une production littéraire considérable. Ces recherches distillent un message unique et fondamental : les opérations de maintien de la paix se sont effectuées dans un vide doctrinal qui laissait place à une improvisation qui parut à la rigueur conciliable avec l'ampleur réduite et le nombre relativement restreint de ces opérations. Cette situation s'est depuis 1989 modifiée de façon radicale, d'où la recherche du paradigme manquant pour les opérations de maintien de la paix19 . Cette recherche est maintenant en cours, mais elle demeure encore loin de son aboutissement.
Notre étude témoigne à sa manière de l'absence d'un paradigme pour les opérations de maintien de la paix. On ne saurait dire en effet que les interventions de l'ONU se produisent à l'intérieur d'un vide doctrinal. Le problème que nous avons souligné à maintes reprises est le contraste saisissant qui existe entre les théories académiques du maintien de la paix et leur traduction dans les lignes directrices pertinentes pour les opérations effectives de maintien de la paix. Pour l'essentiel, nous avons à cet égard souligné le caractère extrêmement rudimentaire des recherches sur l'usage de la force, quel que soit le champ où elles sont effectuées. Notre conviction est qu'un domaine de recherche aussi vital devrait de toute urgence faire l'objet d'un développement soutenu.
Consentement à l'ingérence et droit de s'ingérer
Nous ne citerons qu'un exemple de la nécessité que nous venons d'alléguer de construire un nouveau paradigme pour les opérations de maintien de la paix. A une exception près, toutes ces opérations ont jusqu'ici été conduites sous l'autorisation du chapitre VI de la Charte de l'ONU. A part les guerres de Corée et du Golfe, dont les Etats-Unis furent le maître d'oeuvre, la seule intervention sous l'égide de l'ONU, qui s'autorisa effectivement du chapitre VII de la Charte, fut donc l'intervention en Somalie. Son échec fut tel qu'il a jeté une ombre sur toute intervention humanitaire.
La différence fondamentale entre d'une part l'UNITAF et l'UNOSOM II et d'autre part, toutes les autres opérations de l'ONU, tient au fait que les deux premières se passèrent du consentement des autorités somaliennes, dont on douta même qu'elles existassent assez pour donner leur consentement à quoi que ce fût. Le concept du droit à l'ingérence - plus précisément du droit à s'ingérer - est maintenant à l'ordre du jour20 . Il faut souligner que cette notion de droit à s'ingérer heurte de front celle d'un consentement à l'intervention extérieure qui a, jusqu'ici, constitué la pierre angulaire de toute la doctrine du maintien de la paix de l'ONU. Dans la mesure où l'on soutient que le droit à s'ingérer constitue le futur du maintien de la paix, on se doit de réviser les prémisses de la légitimation des interventions de l'ONU pour maintenir la paix, qui reposent essentiellement sur le socle problématique du consentement à accueillir de telles interventions.
L'enjeu théorique ultime de la question du droit à l'ingérence est de soumettre à l'épreuve de la (post) modernité la théorie wébérienne du monopole par l'Etat de l'usage légitime de la force. Ce que révèlent, de façon manifeste, les cas de résistance à l'interférence étrangère dans le cadre d'opérations de maintien ou d'imposition de la paix est que la théorie de Weber ne s'applique - dans la mesure où on reconnaît qu'elle puisse être appliquée de façon féconde - que dans le cadre limité du maintien interne (domestique) de la paix. Dès qu'on déborde ce cadre et que plusieurs Etats se liguent pour maintenir la paix ailleurs que sur leur propre territoire national, tant la notion de monopole (dans quelle mesure le primus inter pares des coalitions peut-il être dit détenir le monopole de l'usage de la force ?) que celle de légitimité deviennent grandement problématiques.
La réforme de l'ONU
Nous avons laissé ce sujet en dernier pour qu'on en retienne l'importance. S'il est un consensus qui se dégage dans les recherches sur le maintien de la paix, c'est la nécessité de réformer l'ONU21 . Les titres précités sont choisis parmi les ouvrages les plus récents. On pourrait sans peine les accumuler. La sclérose de l'ONU, l'impasse où s'enferme sa bureaucratie dont la pesanteur est de plus en plus granitique, et la ruée irresponsable de ses fonctionnaires vers l'abus de leurs privilèges quand ils sont en mission doivent faire l'objet de remèdes drastiques avant même que l'on pense à réformer de façon efficace les opérations de maintien de la paix. Leur crédibilité a été dévastée en Somalie et elles sont en Bosnie à la merci d'une embolie fatale.
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Notes
1 Hirsch, Oakley, op. cit.
2 Scores of casualties among the peacekeepers and hundreds among the Somalis ; Cf. Hirsch J. L., Oakley R. B., op. cit., p. 119-120.
3 Cf. Hirsch J. L., Oakley R. B., op. cit., p. 121, voir la note 17.
4 Idem, p. 125.
5 " With Somali casualties estimated between 500 and 1,000 killed and wounded " ; Ibidem, p. 127.
6 Cf. Wiseman H., " The Dynamics of Future Developments " in Wiseman H. (ed.), Peacekeeping : Appraisals and Proposals, New York and Willowdale, Ontario, Pergamon Press, 1983, p. 341-370.
7 Une brève note sur la terminologie. Nous préférons le vocable grec ethos au français éthique car sa signification est plus large que la simple morale ; l'ethos désigne un ensemble de croyances, de principes et de valeurs qui dirigent le comportement et l'action d'un groupe. Le terme est fréquemment usité en ce sens en français. En outre, nous avons francisé l'adjectif anglais constabulary en " constabulaire " qui est formé sur le substantif constable. Ce dernier désigne la police en tenue dans les pays anglo-saxons. Nous avons préféré ce terme à celui de policier, qui nous est apparu trop polysémique (l'expression "Etat policier" est utilisée par exemple pour marquer l'excès et non la retenue dans l'utilisation de la force coercitive). Nous avons écarté le terme " gendarmique " pour ses connotations militaires affirmées. Cela dit, il est évident que le modèle initial de l'ethos constabulaire est la culture professionnelle de la police et que nous utiliserons les termes de police et de policier, chaque fois que cet usage ne prêtera pas à confusion.
8 Rikhye I.J., M. Harbottle and B. Egge, The Thin Blue Line : International Peacekeeping and its Future, New Haven and London, Yale University Press, 1974.
9 Monjardet D., Ce que fait la police, Paris, La Découverte, 1996.
10 Moskos C. C. " UN Peacemakers : the Constabulary Ethic and Military Professionalism ", Armed Forces and Society, vol. 1, n°. 4, 1975, p. 388-401 ; Peace Soldiers ; The Sociology of a United Nation Military Force, Chicago and London, The University of Chicago Press, 1976 ; " From Institution to Occupation : Trends in Military Organizations ", Armed Forces and Society, vol. 4, n° 1, 1977, p. 41-50 ; " Institution/Occupation : Trends in Armed Forces : An Update ", Armed Forces and Society, vol. 12, n° 3, 1986, p. 377-382. Miller L. L., Moskos C., " Humanitarians or Warriors ? Race, Gender, and Combat Status in Operation Restore Hope ", Armed Forces and Society, vol. 21, n° 4, 1995, p. 615-637.
11 Ker Muir W. J. Jr., Police : Streetcorner Politicians, Chicago, University of Chicago Press, 1977.
12 L'œuvre de référence utilisée par Ker Muir est une conférence prononcée par Max Weber en 1919, intitulée Politik als Beruf. Elle a été traduite en français par Julien Freund, E. Fleischmann et Eric de Dampierre sous le titre de Le métier et la vocation d'homme politique, Paris, 10/18, 1963.
13 Rumbaut R.G. and E. Bittner, " Changing Conceptions of the Police Role : A Sociological Review ", in Morris N. and Tonry M. (eds), Crime and Justice : An Annual Review of Research, vol. 1, 1979, p. 239-288.
14 Cf. Le savant et le politique, trad. J. Freund, Paris : coll. " 10/18 ", op. cit., p. 212.
15 Op. cit., p. 198.
16 Cf. Hirsch J. L., Oakley R. B., op. cit., p. 162-163. Il est passionnant de comparer la doctrine Weinberger-Powell avec les remarques acérées de Rony Brauman sur l'aide humanitaire : " ... le paradoxe de l'action humanitaire qui n'est pas, contrairement à ce que l'on entend fréquemment, un facteur de paix... " ; " ... ou bien on tente d'adoucir les conséquences d'un conflit sur les hommes -et on le prolonge ; ou bien on cherche une solution rapide - et on le durcit. Dans cette affligeante symétrie, on n'a pas de mal à reconnaître les choix faits par l'Europe en Bosnie, et au Koweit par les alliés ", Brauman, op. cit., p. 14-15.
17 M. Purnelle nous apprend comment les Canadiens en permission au Kenya rapportaient de la drogue du port de Mombasa. Il nous décrit la consommation d'alcool par les officiers comme étant excessive. D'un autre côté, les Somaliens se droguaient au Khat (Catha Edulis), un stimulant qu'on pourrait comparer, sous toutes réserves, à la feuille de coca. Cf. Purnelle M., op. cit.
18 CE-ONU, 1994, par. 116-121. Par exemple, les Italiens tardèrent à assister les Pakistanais lors des incidents du 5 juin 1992. Les hélicoptères de combat italiens firent même feu par erreur sur les Pakistanais, faisant trois victimes parmi eux.
19 Diehl, P.F., International Peacekeeping, Baltimore and London, The Johns Hopkins University Press, 1993. Fetherston, A.B., Towards a Theory of United Nations Peacekeeping, New York, St. Martin's Press, 1994. Haas, E.B., When Knowledge is Power, Berkeley and Los Angeles, University of California Press, 1990. Urquhart, B., Childers E., A World in Need of Leadership : Tomorrow's United Nations, Uppsala, Sweden, Dag Hammarskjold Foundation, 1990.
20 La notion de droit à l'ingérence devrait être absolument bannie du vocabulaire du droit international à cause de son caractère équivoque. Le droit à l'ingérence désigne-t-il une prérogative d'un pays en crise de réclamer une intervention extérieure ou une licence des Etats à intervenir dans les affaires d'autres Etats souverains en dépit de leur consentement ? Les deux interprétations de cette notion bâtarde ont donné lieu aux pires abus. Qui ne se souvient des soi-disant appels des Sudètes pour que l'Allemagne hitlérienne s'ingère dans les affaires de la Tchécoslovaquie ? A tout prendre, il est plus honnête de parler du droit des autres à s'ingérer dans les affaires de leur voisins, que d'un droit pervers à l'ingérence dont on ne veut même pas avouer à qui il appartient.
21 Childers E., B. Urquhart B., Renewing the United Nations System, Uppsala, Sweden, Development Dialogue, 1994. Canadian Committee for the 50th Anniversary, Canadian Priorities for United Nations Reform, Ottawa, 1994. Commission on Global Governance (1995). Our Global Neighbourhood, New York : Oxford University Press. Independent Working Group on the Future of the United Nations, The United Nations in its Second Half-Century, New York : Ford Foundation, 1995. Fawcett E., Newcombe H., United Nations Reform : Looking Ahead After Fifty Years, Toronto, Dundern Press, 1995.
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Source:
Jean-Paul Brodeur, « Maintien et imposition de la paix en Somalie (Partie 3) », Cultures & Conflits, 29-30, automne-hiver 1998, [En ligne], mis en ligne le 16 mars 2006. URL : http://conflits.revues.org/index690.html.
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Jean-Paul Brodeur
Articles du même auteur
- Maintien et imposition de la paix en Somalie (1992-1995) - Partie 1 [Texte intégral]Paru dans Cultures & Conflits, 29-30 – Un nouveau paradigme de la violence, automne-hiver 1998
- Maintien et imposition de la paix en Somalie (Partie 2) [Texte intégral]Paru dans Cultures & Conflits, 29-30 – Un nouveau paradigme de la violence, automne-hiver 1998
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