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Le Somaliland sécessionniste, zone de paix dans une Somalie livrée au chaos

De Peter MARTELL (AFP) - 15 mars 2012

Des billets de banque à même le sol, dans une rue de Hargeisa,
au Somaliland (AFP, Simon Maina)
HARGEISA — De larges piles de billets de banque sont posées à même le sol d'une rue poussiéreuse d'Hargeisa, capitale de la république autoproclamée du Somaliland, où les bureaux de change sont à ciel ouvert et sous la seule surveillance d'une petite dizaine de civils désarmés.
Cette région du nord de la Somalie connaît une relative stabilité depuis qu'elle s'est déclarée indépendante en 1991, au début de la guerre civile qui allait plonger le sud et le centre du pays dans plus de 20 ans d'anarchie et de chaos dont il n'est toujours pas sorti.
"Nous sommes un pays paisible et démocratique", assure le président du Somaliland Ahmed Mohamed Silanyo, élu à la tête de ce pays grand comme l'Angleterre en 2010, lors d'un scrutin sans violence: "les gens disent que nous sommes un havre de paix dans la Corne de l'Afrique".
Des femmes cousent à la machine, dans une rue de Hargeisa,
le 8 mars 2012 au Somaliland (AFP, Simon Maina)
A l'instar de Mogadiscio, les bombardements de la guerre civile somalienne avaient laissé la capitale du Somaliland en ruines. Si des épaves de jets jonchent toujours le tarmac de l'aéroport d'Hargeisa, les traces du conflit s'estompent ici rapidement et des bâtiments neuf remplacent les vestiges criblés de balles.
Au coin des rues animées, des vendeurs proposent melons charnus et bananes des fermes en périphérie de la ville, et des femmes du lait de chamelle, un animal-clé dans l'économie du Somaliland, qui repose essentiellement sur l'agriculture et l'élevage.
"Ce n'est pas toujours facile, mais chaque année, il y a des progrès en matière économique", assure Amina Farah Arshe, une femme d'affaires, à la tête d'une flotte de bateaux de pêche.
Pour le président Silanyo, à la tête d'un Etat non reconnu au niveau international, l'expérience du Somaliland permet de tirer des leçons pour la Somalie, alors que les efforts diplomatique, militaire et humanitaire internationaux s'accélèrent pour mettre fin au conflit.
La situation au Somaliland "n'a été imposée par aucun groupe politique, mais est le fruit d'un commun accord entre la population, les clans et les chefs de s'unir en vue de la réconciliation et la paix", explique M. Silanyo dans son modeste complexe présidentiel.
Alors que son ambition d'indépendance et de reconnaissance internationale unifie le Somaliland, le reste de la Somalie est déchiré par des luttes brutales pour la terre et le pouvoir, alimentées par les divisions claniques et les divergences religieuses.
Le président du Somaliland, Ahmed Mohamed Silanyo (G)?
et le représensant européen pour la Somalie Georges-Marc André,
le 7 mars 2012 à Hargeisa (AFP, Simon Maina)
"Le Somaliland montre que la paix et la stabilité sont possibles en Somalie" si il y a un "objectif clair" - l'indépendance dans le cas du Somaliland -, explique George-Marc André, l'ambassadeur de l'Union européenne (UE) en Somalie.
"Dans le sud et le centre de la Somalie, pour le moment, les intérêts sont trop divergents", estime-t-il.
Les problèmes restent néanmoins nombreux au Somaliland. "Il existe de nombreux problèmes de violence sexuelle", rappelle notamment Aswan Mahmud, policière chargée des crimes violents contre les femmes et les enfants.
La violence persistante alimentée chez ses voisins par les milices islamistes ou les pirates des côtes somaliennes, déborde également parfois au Somaliland et de graves tensions subsistent avec la région voisine autoproclamée autonome du Puntland, à propos de zones frontalières contestées potentiellement pétrolifères.
La prison nouvellevement rénovée de Hargesia,
le 8 mars 2012 au Somaliland (AFP, Simon Maina)
A Hargeisa, on prépare les cellules d'une prison nouvellement rénovée, en vue du transfert de 19 pirates somaliens, condamnés aux Seychelles après avoir été capturés par les marines internationales dans l'océan Indien et que le Somaliland a accepté d'incarcérer sur son sol. D'autres devraient suivre.
Un moyen pour le Somaliland, en quête de reconnaissance, de gagner les faveurs de la communauté internationale en montrant sa détermination à lutter contre la piraterie.
Pour certains pays occidentaux, le Somaliland mérite de devenir un Etat à part entière. Mais l'Union africaine (UA) craint que cela ne crée un précédent qui pourrait déclencher une vague de sécessions à travers tout le continent.
"Même si nous ne sommes pas encore reconnus par la communauté internationale, nous collaborons avec le monde et nous espérons que la reconnaissance du Somaliland adviendra", souligne le président Silanyo.

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