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L'AIDE A LA SOMALIE SE FERA MANU MILITARI - LES PARAS BELGES PRETS A UN DEPART IMMINENT ET A UNE ACTION EXEMPLAIRE.... , jeudi 3 décembre 1992

Une «opération de police internationale» est envisagée. Les paras belges se retrouveraient aux côtés des Marines.


Effrayant. Alors que 1.800 Marines américains se rapprochent des côtes somaliennes, la tragédie s'amplifie: selon le département d'Etat, la famine et les maladies font chaque jour plus d'un millier de morts. Dans la seule ville de Bardera (20.000 habitants), on compte plus de 100 morts par jour et, suivant les estimations de l'ONU, 200.000 Somaliens ont déjà péri et deux millions d'autres sont menacés. Il est donc urgent d'intervenir, pour empêcher les bandes armées de piller plus longtemps 80 % de l'aide humanitaire acheminée en Somalie.

C'est pour cela que le Conseil de Sécurité des Nations unies, au cours d'une réunion à huis clos, s'est prononcé pour l'envoi d'une force multinationale, qui serait proablement - mais pas nécéssairement - sous commandement américain. De toutes manières, les Etats-Unis, qui ont proposé de mettre 30.000 hommes à la disposition de l'ONU pour cette opération, auraient le contingent le plus nombreux. D'autres pays occidentaux appuyeraient cette opération multinationale: la France, l'Italie et la Belgique.

Depuis septembre en effet, la Belgique tient 500 paracommandos à la disposition des Nations unies. Mais, pour les envoyer en Somalie, elle exige l'accord des parties en présence, tandis que les militaires, conscients des dangers, souhaitent partir munis d'un équipement défensif efficace. Désormais, la mission des militaires belges pourrait prendre une autre tournure: ils participeraient à une sorte d'opération de police internationale et destinée à garantir l'accès des secours aux populations civiles.

Cependant, malgré la présence dans la Corne de l'Afrique d'observateurs militaires belges, malgré le fait qu'un C-130 de notre Force aérienne participe déjà aux opérations de secours depuis le Kénya, les responsables belges ne présentent pas comme imminent le départ de nos paracommandos. Pour plusieurs raisons. D'abord parce que la mise en oeuvre de l'opération exige encore une décision du Conseil de sécurité de l'ONU et que certains pays du tiers monde demeurent réticents à cet exercice musclé du droit d'ingérence, même s'il se justifie par l'urgence humanitaire.


En outre, un double problème se pose du côté belge, où il est question d'effectifs, et de financements. Pour des raisons techniques, la Défense nationale, qui craint de voir nos paras sollicités sur d'autres théâtres d'opérations, en Afrique centrale par exemple, ne souhaite guère mobiliser trop d'hommes en Somalie et un millier de paras apparaît comme un nombre excessif.

Quant au financement, on rappelle à Bruxelles que l'envoi du contingent de 500 Casques bleus belges aurait été payé à concurrence de 27 millions de dollars par la Communauté européenne, qui aurait débloqué à cet effet des fonds provenant de la Convention de Lomé. La contribution belge s'élevait, elle, à 5 millions de dollars, celle de l'ONU atteignant le même montant. Or, on souligne à Bruxelles qu'il n'est pas certain que la CEE, d'accord pour soutenir des «casques bleus», accepte de la même manière de financer une opération internationale comparable à la «Tempête du Désert» dans le Golfe.

En Somalie même, cette perspective d'intervention internationale massive suscite des sentiments partagés. Le général pakistanais Shaheen, qui commande les 500 soldats pakistanais qui n'ont toujours pas pu se déployer, a déclaré que les groupes armés avaient «transformé les opérations humanitaires en un cauchemar sanglant» tandis qu'un haut responsable de l'aide humanitaire a souligné que la proposition américaine, quoique venant un an trop tard, était la meilleure chose qui soit arrivée à la Somalie, d'autant plus que l'acceptation de cette proposition par les deux chefs de guerre présents dans la capitale avait calmé les inquiétudes des équipes humanitaires qui craignent de faire les frais d'éventuelles représailles.

Cependant, le fait que le général Aïdid ait interdit aux étrangers de se déplacer au-delà d'un rayon de 15 km autour de Mogadiscio a ravivé les angoisses des équipes de secours qui redoutent que les 200 expatriés présents en Somalie deviennent des otages virtuels.
C.B. et Al. G.


Les paras belges prêts à un départ imminent et à une action exemplaire

Après des mois d'incertitudes et d'hésitations, il est maintenant hautement probable qu'une force armée des Nations unies - comprenant des para-commandos belges - se déploiera en Somalie dans les prochains jours, dit-on à l'état-major des forces belges. Sur préavis de 48 heures, les paras belges pourraient être en Somalie dès la semaine prochaine mais des prévisions plus prudentes envisagent une installation d'ici trois semaines seulement.


Peloton du 3LP belge (3ème Lancier Parachutiste de Stockem)
au moment de leur arrivée en Somalie.

Concrètement, sur le terrain, une mission d'évaluation militaire belge de quatre officiers se trouve depuis une quinzaine de jours à Nairobi, au Kenya. Un autre officier du bataillon para-commando est, lui, à Mogadiscio. Il y participe à des entretiens, en compagnie des militaires pakistanais déja présents en Somalie, avec les chefs de guerre qui s'opposaient jusqu'ici au déployement d'une force de l'ONU dans le pays.

Des discussions qui progressent, dit-on sans surprise dans les organisations non gouvernementales... car il y a peu de doute que les maîtres actuels de la Somalie - le général Mohamed Farah Aidid et son rival Ali Mahdi Mohamed - préfèrent avoir affaire à quelques milliers de militaires belges et pakistanais plutôt qu'à 20.000 militaires américains intégrant les précédents dans une force multinationale. Même si les Autrichiens se sont retirés de l'opération, et si les Italiens, qui semblent s'y intéresser, ont peu de chances d'y être associés compte tenu de leur ancienne présence coloniale dans la région.

Jusqu'ici, les militaires et le gouvernement belges avaient manifesté clairement leurs réticences à s'engager sur le théâtre somalien sans ordres militaires clairs, sans un minimum d'assurances de succès et donc entre autres sans un accord du général Aidid pour leur déploiement.

Ces réticences ne sont plus d'actualité depuis le large accord de principe qui vient d'intervenir au Conseil de sécurité des Nations unies pour l'organisation d'une opération militaire d'envergure de l'ONU, sous commandement américain, visant à protéger les convois humanitaires.

Quoi qu'il en soit, l'imminence d'un fort déploiement militaire est à ce point évidente que les organisations d'aide humanitaire se préparent toutes à retirer rapidement leurs équipes du pays. Toutes ces ONG, prêtes à se replier pour la plupart sur Nairobi, sont en effet convaincues que le péril est grand, désormais, de voir leur personnel pris en otage par des chefs de bandes dans l'espoir de bloquer ou de ralentir la prochaine intervention militaire. Ces équipes, résignées au débarquement militaire, pourraient se replier temporairement sur le Kenya en attendant que les forces de l'ONU maîtrisent le terrain.


ONG, troupes belges et américaines à l'Airfield de Kismayo

Aucune décision concrète n'a été prise jusqu'ici pour préciser les forces et les missions des corps qui seront envoyés en Somalie. Les Belges cependant - dont l'expertise africaine est appréciée au niveau international - devraient déployer un bataillon et deux compagnies du régiment para-commando seulement. Pour une raison simple: le risque qu'on ait besoin d'eux en Afrique centrale grandit sans cesse. L'équipement et l'armement de ces soldats devrait être plus lourd que celui que les Nations unies autorisaient à l'origine (aucun calibre supérieur à 35 mm). Des mortiers de 60 mm et des véhicules blindés Scorpion (équipés de canons de 76 mm) devraient s'envoler avec nos paras dans les C-130 belges et les Galaxy américains.

Chargement d'un CVR-T belge (ici du 4ChCh) dans un C-5 Galaxy américain à Melsbroek, avant son décollage pour
Kismayo, principal port du Sud de la Somalie.

Plus de 2.000 soldats américains (dont 1.800 Marines) sont déjà prêts à débarquer sur les côtes somaliennes. Ils se trouvent à bord de trois bâtiments de la marine américaine et disposent d'un appui aérien conséquent (constitué d'hélicoptères d'attaque et de débarquement). Une frégate française croise avec eux.

L'intervention de la force onusienne ne sera pas seulement navale et héliportée. Les troupes américaines (et belges) pourraient en théorie disposer de bases arrière au Kenya. Le gouvernement kényan a cependant déjà fait connaître son peu d'empressement à jouer un tel rôle. C'est donc en Arabie saoudite que les Bérets bleus devraient installer leur «base arrière». Si l'aérodrome de Ryiad (très chargé) ne leur sera pas ouvert, il est probable par contre que c'est de la base de Dahran qu'ils feront décoller leurs avions.

On le voit, l'opération militaire qui se prépare sera massive. Elle sera également exemplaire - dit-on dans les états-majors - de ce qui pourrait se passer plus tard en Yougoslavie.
ALAIN GUILLAUME

Source: archives.lesoir.be


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