Les boutiquiers ont rouvert sur les artères centrales de Mogadiscio. Les commerçants travaillent, les clients dépensent. Une scène encore un peu surréaliste au cœur de la capitale somalienne, ravagée par vingt ans de guerre civile. Mais Mogadiscio reprend bel et bien vie après la chute des milices al-Chebab, chassées de la ville entre août et octobre 2011 par les forces du gouvernement de transition, soutenues par celles de la Mission de l'Union africaine, l'Amisom. Ces troupes règnent désormais sur le stade de Mogadiscio et l'université, anciens quartiers généraux des Chebab, ainsi que dans les anciens hôtels Tropical et Uruba, devenus les sièges de la mission de maintien de la paix. Le colonel Kayanja Muhanga, adjoint au commandant du contingent ougandais de la force hybride, rappelle: «Le stade a été utilisé pendant des mois par les Chebab comme camp d'entraînement.»
Quelques kilomètres plus loin, les activités reprennent dans le port de Mogadiscio, après des années de dysfonctionnement. Le port fut fermé de 1991 à 2007, après la chute du dictateur Siad Barré qui avait plongé la Somalie dans la guerre civile. Son redémarrage en 2007 a d'abord été chaotique, mais, depuis dix-huit mois, le trafic a repris de manière spectaculaire. Selon le directeur adjoint, Ahmed Abdi Kariye, «le port maritime fonctionne bien désormais, il a atteint ce mois-ci son taux d'activité le plus élevé depuis sa réouverture. Nous avons même repris les exportations d'oranges et d'huile de sésame»… Selon les chiffres communiqués par le ministre des Finances, les revenus générés par les activités portuaires auraient augmenté de 50% depuis août 2011. Ahmed Abdi Kariye poursuit: «À présent, le port reçoit sept navires marchands par mois, ils apportent des véhicules, du matériel de construction, de la nourriture et de l'essence, venant du Brésil, de Dubaï, d'Afrique de l'Est ou d'Afrique du Sud. Depuis le départ des Chebab, l'amélioration est spectaculaire. Surtout il n'y a plus de tirs; nous sommes un port comme les autres»… Élections à l'été
La Villa Somalia, où siègent le président et le gouvernement, domine le port ; les agents de sécurité sont partout mais l'ambiance est relativement détendue. Le premier ministre du gouvernement fédéral de transition (TFG), Abdiweli Mohammed Ali, au pouvoir depuis juin 2011, affirme: «La Somalie est passée d'une ère de chaos total à une ère de paix et de stabilité. Nous avons à présent une feuille de route pour la transition qui doit s'achever à l'été. Elle repose sur quatre piliers: la sécurité, le processus de réconciliation, la mise en place d'une bonne gouvernance et la validation d'une nouvelle Constitution.»
Un optimisme inattendu à Mogadiscio, confirmé par le ministre de la Reconstruction, Abdullahi Godah Barre. «Nous mettons en place un processus de normalisation des régions reconquises sur les Chebab, avec l'aide de la communauté internationale. Il nous faut rétablir les services de police et les tribunaux pour assurer une sécurité pérenne.» Malgré les récentes attaques des milices Chebab aux abords de Mogadiscio et leur déploiement prolongé au sud du pays, comme autour du port de Kismayo, le gouvernement affiche une foi sans borne. Un ministre a même été chargé de la mise en place de la future Constitution, Abdurahman Hosh Djibril. Il affirme que la plupart des régions du pays sont d'accord sur le processus électoral, qui doit «mener à la sélection des parlementaires, puis d'un nouveau gouvernement d'ici à juillet et d'un président en août». Le processus concernerait aussi la région autonome du Puntland et celle, indépendantiste, du Somaliland au nord. Une promesse qui reste à confirmer dans les faits.
Les défis humanitaires, eux, restent colossaux. Selon le coordinateur du bureau des Nations unies pour les affaires humanitaires (OCHA) pour la Somalie, les progrès sont déjà importants. «L'aide arrive beaucoup plus facilement depuis août 2011, affirme Kilian Kleinschmidt. Mais il va falloir rapidement faire plus et mieux, car 300.000 Somaliens vivent toujours dans des camps de déplacés.» Les fameux «IDP» (Internally Displaced People), réfugiés de l'intérieur, y vivent dans des conditions effroyables, totalement dépendants de l'aide alimentaire étrangère. Un obstacle de plus sur la route de la stabilité somalienne. Mais pour la première fois en vingt ans, le tournant de la paix semble possible.
URL Source: http://www.lefigaro.fr/international/2012/05/06/01003-20120506ARTFIG00143-mogadiscio-reprend-gout-a-la-paix.php
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