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De Peter MARTELL (AFP)
TABDA 22 février 2012 — Le torse drapé de munitions, armé d'une mitrailleuse, le soldat kényan Philip Namanda jette un oeil sur le maquis brûlant du sud de la Somalie, surveillant une éventuelle attaque de la guérilla des insurgés islamistes shebab.
"C'est un travail rude, mais nous sommes de rudes soldats", affirme crânement Namanda, sur le poste avancé de Tabda, quelque 80 km à l'intérieur du territoire somalien. Les forces kényanes sont entrées dans le pays en octobre, officiellement en représailles à des attaques des shebab dans le nord du Kenya.
Depuis l'avancée initiale, leur progression est cependant limitée. L'invasion a commencé en pleine saison des pluies, les véhicules se sont enlisés dans la boue, et depuis que le sol est sec, les troupes sont harcelées par les attaques de type guérilla des shebab.
Même à 40 km à l'est de la ligne de front, autour de Beles Qoqani, les soldats sont nerveux derrière les sacs de sable.
Les frappes aériennes et les offensives au sol ont contraint les insurgés à se diviser en petits groupes, qui lancent des attaques et embuscades pour tester les défenses kényanes, explique le général de brigade Johson Ondieki.
Et pour l'heure, l'offensive kényane semble au point mort.
Les officiers affirment que le moral est bon. Apparemment inspirés par les films de guerre hollywoodiens, les soldats ont marqué leurs casques de slogans divers : "Autorisé à tuer", "Guerrier".
D'autres livrent tout de même des réflexions moins combatives. "J'ai une famille et elle me manque," glisse Philip Namanda, 32 ans, montrant les noms de sa femme et ses trois enfants inscrits sur son casque. Il est en charge d'un groupe de journalistes emmenés sur le terrain par l'armée kényane.
Le commandant du secteur, Jeff Nyagah, balaie pourtant les critiques.
"Nous pourrions avancer et prendre des villes et territoires aux shebab dès demain," affirme-t-il. "Mais qu'est-ce qui se passerait ? Les shebab se mêleraient à la population pour attaquer, donc nous menons une opération de pacification pour ne pas mettre en péril les gains déjà engrangés".
L'exemple éthiopien
Le Kenya semble aussi échaudé par l'exemple éthiopien : entre 2006 et 2009, Addis Abeba avait envoyé 30.000 hommes pour renverser, déjà, un mouvement islamiste qui régnait sur l'essentiel du sud somalien. Son armée s'était retirée trois ans plus tard sans avoir rétabli un ordre durable. Elle avait même créé les conditions d'émergence des shebab.
Financer l'opération est aussi un problème pour Nairobi. Des soldats se plaignent d'ailleurs de retards dans les salaires.
Lors de la conférence internationale de Londres sur l'avenir de la Somalie jeudi, le Kenya tentera d'obtenir des soutiens à une intégration de ses troupes dans la force de l'Union africaine en Somalie (Amisom) : le budget kényan serait allégé d'une partie du poids de l'intervention.
L'Amisom est aujourd'hui composée de 9.700 soldats, mais son mandat lui permet d'en mobiliser 12.000 et le Conseil de sécurité de l'ONU devrait encore approuver mercredi une augmentation du plafond à 17.731 hommes.
La force de l'UA se bat aux côtés des troupes somaliennes dans et autour de Mogadiscio. L'Amisom, les Kenyans mais aussi l'armée éthiopienne qui progresse peu à peu vers la ville de Baïdoa plus à l'ouest, accroissent la pression sur les shebab.
Mais l'armée kényane est consciente que l'offensive militaire ne résoudra pas, seule, le chaos somalien. Le pays est miné depuis 20 ans par une instabilité politique et des violences qui alimentent des crises alimentaires à répétition.
"Dans les zones libérées (...) il n'y a pas assez de nourriture et de soins médicaux, il manque de l'eau potable," lâche le général de brigade Ondieki.
"La sécurité s'est améliorée," reconnaît de son côté un chef coutumier local de Tabda, Mohamed Mahmud. "Mais les médicaments et la nourriture ont été bloqués par les combats."
Copyright © 2012 AFP
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